Kôyô 2020 (4) – Inuyama-shi, Aichi

Le Tokai Nature Trail (東海自然歩道) est un chemin de randonnée qui parcourt 11 préfectures sur 1,697 km, reliant Tokyo à Osaka. Aichi est traversée par un peu plus de 200km de tracé passant par Horaiji, Korankei, Sanage, Iwayado, puis longeant la frontière avec la préfecture de Gifu pour rejoindre ensuite le château d’Inuyama avant d’entrer dans Gifu.

Ce n’est pas un hasard si les lieux cités plus haut apparaissent dans mes billets depuis septembre. A défaut de courir je me suis mis à marcher, et bien que ce soit dans le désordre mes balades suivent consciemment le tracé du Nature Trail. Au milieu de nulle part, l’accès aux transports en commun n’est pas une évidence. Sur certaines portions il peut y avoir de 10 à 20 kilomètres en pleine montagne entre deux stations de train ou de bus, j’ai donc passé ces trois derniers mois à faire mes repérages sur certaines parties du parcours afin de voir quelle était ma vitesse de progression et d’être certain de pouvoir les parcourir sans craindre de me retrouver perdu au fond de la vallée à la nuit tombée.

La dernière balade de l’année me fait pour la première fois parcourir le chemin à l’envers. Le paysage autour du château d’Inuyama (trésor national du Japon) en ce froid matin d’automne est si beau qu’il en faut de peu pour que je ne change pas mon itinéraire et reste à me balader autour de celui-ci. Le Nature Trail est régulièrement indiqué par des panneaux en bois mais ceux-ci sont parfois cachés par des buissons mal entretenus, après avoir longé la rivière Kiso pendant un bon kilomètre j’aurai presque raté l’entrée dans les bois si je n’avais pas une bonne vieille carte en main. 

Je reste près d’une heure au petit mais pittoresque temple Jakko-in, surnommé momiji-tera en raison de ses superbes feuilles d’érables rouges, puis poursuis mon ascension du Mont Tsugao. Alors que je médite sur le fait qu’en basse montagne on ne sait plus trop dans quel pays l’on se trouve, apparait, sorti de nulle part, un torii en pierre. Du sommet on peut apercevoir le château d’Inuyama, la grand roue du Monkey Park et même au loin la piste d’atterrissage de la base militaire de Kagamihara. 

De l’autre versant le sentier est légèrement vallonné. Alors que je suis chaussé de chaussures de trekking (des Salomon OUTline, pour référence ultérieure) sur certaines portions je ne peux m’empêcher de faire quelques foulées. L’une des raisons pour lesquelles je cours peu ces derniers temps est qu’à force de me balader en forêt comme aujourd’hui courir sur le bitume m’est devenu d’un ennui total. Il est étrange de me dire qu’alors qu’au Luxembourg j’étais entouré de verdure il m’aura fallu venir au Japon pour me rendre compte à quel point celle-ci est importante pour moi. En cette année si particulière je me suis souvent demandé si ce n’était pas une raison suffisante pour sinon retourner au pays, au moins déménager vers un environnement plus rural.

Au bout d’une longue descente j’arrive au lac Obora, baigné de lumière. Chaque nouveau paysage, chaque nouvelle découverte me stupéfait, je contemple chaque lieu bien plus longtemps qu’il ne faudrait, ma progression s’en retrouve largement ralentie. Plus loin, alors que cela fait deux heures que je n’ai croisé personne je suis rassuré à la vue d’un paisible hameau en lisière de forêt. Celui-ci abrite le Kumano-jinja, un énième spot de chasse au kôyô de la saison, et dernière étape de ma balade avant de rentrer en train à partir de la gare Senjino.

J’ai parcouru un peu moins de 8km en 1h30, le prochain accès aux transports en commun semble se situer 11km plus loin, à proximité du parc d’attraction Meiji Mura. Depuis deux semaines le temps est hivernal et peu propice aux aventures dans les bois, il me faudra sans doute attendre le début du mois de mars pour poursuivre mes expéditions. En attendant je pense courir un peu et surtout préparer mon itinéraire consciencieusement. Les temps sont durs, on s’évade comme on peut. C’est également la fin des billets sur les kôyô, vivement qu’il neige.