Nagoya Port → Sasashima

Posted by mahl on

Trois semaines de vacances, en quelque sorte. Les journées défilent et la période de blanc se prolonge … Quand il m’arrive de parler du fait que j’écris mes carnets à mes collègues ou mes amis, ils s’étonnent toujours de la longévité de mon activité. Je leur explique à chaque fois que le secret réside dans le choix du support d’écriture, à savoir un cahier ou un agenda sans inscription de la moindre date. Je ne connais personne qui ait été capable d’écrire longtemps dans un carnet de type ‘une page par jour’, avec la date inscrite en haut de page. Il suffit en effet, et ce quelle que soit la raison, de ne pas y écrire pendant deux ou trois jours pour irrémédiablement ressentir un sentiment de culpabilité, l’écriture est de par sa promesse faite à soi-même plus devenue un devoir qu’un plaisir. Même neufs et vierges, on ne trouve ni mention de date ou de jour dans mes carnets – toujours mon bon vieux Travelers Notebook dont il faudra d’ailleurs montrer quelques photos. J’y inscrit bien sûr la date quand j’y écris quelque chose ou y colle des photos, mais j’y écris quand je le veux, si je le veux, et ce sans que, comme si ça aurait été le cas si j’avais été paresseux pendant trois semaines, vingt-et-unes pages de blanc séparent deux inscriptions. C’est sans doute là ma manière de dompter la peur de la page blanche.

Finalement il en est de même pour ce blog. Il m’est arrivé pendant cette période de creux de me dire qu’il me faudrait donner signe de vie, mais au fond mon manque d’inspiration et d’envie d’écrire ne m’a pas préoccupé plus que cela. Pour une fois même, l’habituel ‘et si j’arrêtais tout ?’ ne m’a même pas effleuré. J’attendais juste que cela revienne, et j’écris ces quelques lignes pour palper ma forme, voir si j’y prends plaisir ou pas.

Les photos ci-dessus ont en réalité été prises l’année dernière à la même date à quelques jours près. Le retard s’explique par le temps agréable et propice aux promenades qu’il fait à partir de la mi-octobre pendant lequel je me baladais sans cesse et prenais énormément de photos que je n’ai pas réussi à caser dans un article avant que la chasse au kōyō ne débute. J’ai de la sorte de nombreuses photos qui attendent de ressurgir des tréfonds de ma photothèque. Je me dis toujours qu’il me faut attendre d’être dans le même mois ou au moins la même saison pour les utiliser. Non pas pour essayer de les intégrer discrètement dans le fil d’articles sans que personne ne s’en rende compte, mais parce que la lumière éblouissante d’un soleil d’été n’a rien à faire entre deux séries de photos prises dans la lumière douce d’automne.

Il s’agit donc d’une série prise lors d’une promenade, à pied, d’un peu plus de 12 kilomètres visant à remonter le canal de Nakagawa à partir du port de Nagoya jusqu’au quartier de Sasashima situé juste en dessous de la gare de Nagoya. Une fois que l’on s’éloigne du port et de son aquarium, le canal n’est bordé de pratiquement tout son long que d’usines, d’entrepôts et de centres logistiques de tailles diverses et variées, de dortoirs, de petits restaurants où se retrouvent probablement chaque midi les habitués. Pour être tout à fait franc l’intérêt est plutôt moindre, je n’ai d’ailleurs aucun souvenir de ce que j’ai écouté comme musique lors de cette promenade. Je réfléchis à prendre en photos les travailleurs dans leurs vêtements de travail et autres salopettes de couleurs diverses, avec leur casque sur la tête, mais ne parviens pas à me faire violence – c’est qu’ils ont l’air costauds en plus. Je marche d’un bloc à l’autre, arrêté pratiquement à chaque croisement par un feu rouge toujours trop long. Tout se ressemble et se répète tellement que j’en viens à regretter un peu de m’être lancé dans cette entreprise. Bien qu’encore éloignée, je suis soulagé quand je commence à apercevoir au loin la tour de le chaine de télévision Chūkyō, plantée dans le décor tel un drapeau signalant l’arrivée du parcours.

Tout à fait paradoxalement, les coins de verdure, parcs et squares se font plus fréquents au fur et à mesure que je me rapproche du centre de Nagoya, et même l’architecture des entrepôts, jusqu’ici banales baraques faites de tôle, semble désormais avoir été pensée pour susciter l’attention de ceux qui se baladent le long du canal. J’arrive enfin, au bout d’un peu plus de quatre heures de marche, à bon port, si j’ose dire. Je m’assois quelque instants dans le parc devant centre commercial Global Gate et le campus de l’Aichi University, que j’avais visité une année auparavant. C’est d’ailleurs, il me semble, la découverte du canal qui m’avait donné l’idée de cette balade. Pour une fois, j’accomplis l’un de mes projets !


Comments ( 3 )

  1. Frédéric
    Salut, petite question, continues tu à écrire dans ton carnet pendant cette période entre deux billets du blog? Je veux dire, écris tu beaucoup plus souvent sur ton carnet que sur ton blog et des choses différentes ? Je pense que notre besoin est avant tout de pouvoir écrire, et peut-être que le carnet suffit à combler ce besoin. J’aurais personnellement du mal à maintenir en parallèle l’écriture sur un carnet et l’écriture sur le blog. Je l’ai pourtant fait pendant quelques années, pendant des périodes plus compliquées où j’écrivais des choses plus personnelles qui n’auraient de toute façon pas pu être écrite sur une page internet. Mais les sujets finissaient par s’entrelacer avec ce que je voulais écrire sur le blog et j’ai fini par arrêter mes carnets et plutôt utiliser le notepad de mon iPhone ou iPad. J’ai tout de même un carnet vierge mis en évidence près de l’ordinateur, près à être utilisé. Je me pose souvent la question de si ce besoin d’écrire, d’autant plus en français, est lié au fait qu’on soit loin de nos racines. Il est probable que je ne ressentirais pas le besoin d’écrire si j’habitais en France. As tu une impression similaire ? Sinon, côté photographies, j’aime celles comme le quatrième qui fonctionne bien par l’intrusion soudaine de la couleur avec le cordon rouge et le cadrage que tu lui donnes.
    • mahl
      Salut et merci pour ton commentaire ! Pour répondre à ta question, je crois qu'il m'est plus simple d'écrire dans mes carnets que sur mon blog car il est plus facile de s'y laisser aller. Etant mon seul lecteur, il est plus facile de m'y confier que sur le blog, il m'arrive ainsi fréquemment de ne pas réussir à écrire pour le blog alors que dans le carnets les mots viennent d'eux même. Pour un même voyage par exemple, par rapport au blog les carnets feront plus référence aux réflexions et conversations faites en famille et les photos que j'y colle sont la plupart du temps des photos mettant en scène mes enfants. Le public n'est pas le même, pour ainsi dire, du coup les deux peuvent être écrits en parallèle sans que j'y écrive les même choses. Au travail mes collègues sont souvent étonnés que mes notes et 'to do lists' soient rédigées en japonais, à part quelques mails les occasions d'écrire en français sont rares, je pense que je ressens le besoin d'écrire en français pour ne pas oublier cette belle langue (ce qui ne n'empêche pas de parfois buter sur des orthographes ou des conjugaisons). Cela dit, j'ai l'habitude d'écrire dans un journal depuis l'âge de 10 ou 11 ans et les rédactions ont toujours été un de mes exercices préférés à l'école, c'est même quand j'étais à l'université en France que j'ai le plus écrit. De retour en Europe, peut-être qu'à défaut d'avoir des choses à raconter le blog finirait à la trappe, mais l'envie d'écrire sur papier persisterait probablement. Qu'en penses-tu ? A défaut d'écrire, tu ne dessines plus non plus ? Cela dit, quand j'y réfléchis je préfère probablement mes carnets au blog. Couper, coller, écrire, assis à mon bureau en écoutant un truc calme, quel bonheur ! L'odeur de l'encre, le toucher du papier, les carnets qui s'empilent peu à peu sur l'étagère. En prendre un au hasard pour le feuilleter, y passer une heure sans trop s'en rendre compte ...
  2. Frédéric
    Salut, j’ai aussi assez peu d’occasions d’écrire en français (au travail, c’est plutôt l’anglais), si ce n’est sur le blog. Je me dis souvent que si je n’écrivais pas régulièrement, je perdrais certainement petit à petit le vocabulaire et les tournures de phrases à l’écrit. Il m’arrive d’ailleurs régulièrement de vérifier certaines tournures sur internet avant de publier un billet. Je ne dessine plus beaucoup en ce moment malheureusement. Par rapport à l’écriture, je pratique par contre le dessin depuis mon enfance, en particulier à l’adolescence avec la découverte des manga. Je recopiais sur des papiers grand format des personnages et scènes que j’aimais bien. J’aimais beaucoup dessiner tard le soir en écoutant la radio (on y revient). Dessiner, tout comme écrire, est un moment privilégié où on s’autorise à n’être dérangé par rien (enfin dans l’idée). Je ressens cela dans ce que tu écris ci-dessus lors de l’écriture sur tes carnets en y collant divers choses. J’aimais bien aussi coller sur mes carnets des morceaux de flyers ou des tickets de musée. C’est le côté qui manque sur le blog numérique, le côté imparfait du papier usé.