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livres/musiques/Nagoya

今日は何か変だな(freezing cold) – Komaki & Sakae

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Il a fait très froid la semaine dernière, il a même neigé pendant la nuit. Comme souvent, la neige a disparu dans l’après-midi, laissant le temps aux enfants de s’y amuser pendant la matinée. Je dois ce jour-là me rendre de bon matin à Komaki (小牧), ville industrielle au nord de Nagoya. Peut-être parce que les montagnes sont toutes proches, le froid y est encore plus vif qu’autour de chez nous. Je pensais profiter d’être dans le coin pour faire un tour à l’aéroport de Nagoya, mais l’environnement hostile m’a bien vite découragé, c’est donc au centre de Nagoya que je cherche refuge. Alors qu’à son ouverture les gens faisaient la queue pour y entrer, je trouve immédiatement un siège de libre au Blue Bottle Coffee au premier étage du Chunichi Building, où je me réchauffe en dégustant un double expresso au goût très prononcé qui me rappelle celui bu dans les cafés lors de mon séjour en Europe le mois dernier. J’attends ainsi patiemment l’ouverture de la libraire henn books (ヘンブックス), situé à quelques blocs de là. Les publications de cette librairie ont commencé à apparaître sur mon fil Instagram il y a deux mois et l’algorithme m’a eu à l’usure. Il n’en est fait aucune mention nulle part mais je ne peux m’empêcher de penser que le ヘン (henn) provient de d’idéogramme 変 qui se lit signifie hen et signifie changement, étrange, fait qui attise grandement ma curiosité.

L’entrée de l’immeuble est tellement discrète que je passe une première fois devant sans la remarquer. Un étroit corridor, au bout une cage d’escalier que l’on se sent obligé de gravir sans faire le moindre bruit tant l’endroit semble infréquenté. La librairie porte bien son nom sous bien des aspects. La forme de la pièce me fait penser à un hexagone dont chaque côté serait d’une taille différente. Le magasin est autonome, il n’y a pas de personnel et la caisse n’accepte que les moyens de paiements électroniques. Un petit écran répète en boucle une histoire de meurtre irrésolu sur un fond de musique mystérieuse. Les étagères remplissent jusqu’au plafond le pan de chaque mur et on y trouve tout ce que la littérature peut compter comme polars et autres romans mystérieux. Une place particulière est attribuée à Ranpō Edogawa (江戸川 乱歩, 1894-1965) qui est en fait la transposition en phonétique japonaise du nom d’Edgar Allan Poe (1809-1849) エドガー・アラン・ポー, Edogā Aran Pō) ainsi qu’à un certain Fuboku Kosakai (小酒井 不木, 1890-1929). Comme souvent lorsque je pars (involontairement) à l’aventure dans de nouveaux domaines tout semble se recouper en un seul point puisque je suis justement en train de lire une nouvelle de l’écrivain et traducteur Seiji Tanizaki (谷崎精二, 1890-1971), qui se trouve être le principal traducteur vers le japonais des romans de Poe.

Autant je connais Edogawa pour avoir lu en partie ses oeuvres en français et avoir notamment été marqué par ‘la chaise humaine’, je n’ai jamais entendu parler de Kosakai, bien qu’il semble avoir eu une influence non moins importante dans le domaine du roman policier puis de la science fiction au Japon. Apparemment celui-ci serait né en 1890 à Kanie dans la préfecture d’Aichi et aurait également vécu au Parc Tsuruma, non loin de la librairie. Me voila de nouveau avec nouvelles choses à découvrir …

今日は何か変だな (Kyo ha nani ka hen da na), drôle de journée. Hen, encore une fois … Voilà plus de deux semaines que je ne cesse d’écouter en boucle le titre ‘Movie Light‘ de la chanteuse Satoko Shibata (柴田聡子). Cette chanson a quelque chose d’ensorcelant … de bizarre. Elle est imprégnée à la fois de tristesse et de mélancolie, mais également de douceur, de chaleur et de lumière. En l’écoutant j’ai l’impression de danser un dernier slow avec un être aimé à la terrasse d’un café situé en bord de mer en sachant que nous devrons nous quitter pour toujours le lendemain. J’y aime beaucoup la ligne de basse tout en légèreté, la manière dont la batterie entre puis s’efface, la voix douce, par endroit susurrée presque, au point que la dernière syllabe de certains mots n’est qu’à peine perceptible. Apparue dans mes suggestions sur Last.fm par un froid matin d’hiver en me préparant pour aller au travail, cette chanson m’aura apporté un peu de chaleur et de réconfort pendant ce mois de février difficile. Movie Light est le titre qui ouvre l’album ‘Your favorite things‘ sorti l’année dernière, après une ouverture aussi grandiose et théâtrale la suite de l’album est a mon goût un peu fade, ou alors faut-il tout simplement attendre que la magie s’estompe pour y jeter une oreille attentive.

Luxembourg/Luxembourg

‘J’avais tant de choses à dire …’ (2) – Marcher

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Paysage dans la brume Dijon
Paysage dans la brume Dijon
Paysage dans la brume Dijon
Paysage dans la brume Dijon

La brume épaisse, le paysage apparaissant au fur et à mesure que j’avance me fait penser à celle que l’on pourrait trouver dans un jeu de rôle. Curiosité des tiroirs de la mémoire – ou bien aidé par la fatigue peut-être, l’ambiance me fait me remémorer le fantastique début du jeu Ishtar 2 sur Amiga 500 alors que je n’y ai pas joué depuis au moins trente ans. Après avoir pianoté comme je le faisais alors dans le jeu mon itinéraire à travers la brume j’arrive à un croisement. Je n’hésite pas, je connais chaque chemin par coeur pour y avoir couru et fait du vélo pendant des heures durant mon enfance, les monstres et autres êtres extraordinaires qui s’y cachaient alors sont enfouis dans ces même poussiéreux tiroirs que j’ouvre au hasard au fur et à mesure que j’avance.

Le silence, total, est sublime, comme si j’étais seul au monde et que la brume absorbait tout son. Je prononce quelques mots, comme pour vérifier. Je m’entends bel et bien, mais bientôt les mots disparaissent et Cozen, l’envoûtant, vaporeux, interminable titre de Kyle Bobby Dunn se met à résonner dans ma tête pour remplir cet oppressant espace devenu trop silencieux. La nuit commence tout doucement à tomber. J’en suis attristé car cela signifie que cette agréable promenade touche à sa fin. Nous quitterons déjà ce lieu paisible le lendemain matin, le jour se lèvera trop tard pour que j’aie le temps à la fois de fouiller mes cartons et de me balader une nouvelle fois. Qui sait quand je pourrai revenir … ? C’est comme avec un sentiment de devoir accompli que je regagne la maison. Profiter de chaque instant.

Luxembourg/Luxembourg

‘J’avais tant de choses à dire …’ (1) – Aller

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Je quitte la maison vers 10 heures après m’être assuré dix fois de ne rien avoir oublié. Je suis largement en avance mais je ne sais de toute façon pas quoi faire de mon temps à la maison. Une fois à l’aéroport je mange un dernier copieux repas typiquement japonais. Si l’enregistrement des bagages se fait sans trop de complications au vu de ma situation, j’ai à faire face à un imprévu à l’inspection de l’immigration qui me prend 45 minutes, l’occasion une fois de plus de me féliciter d’avoir pris mes précautions. Voyage sans encombres jusqu’à Hong Kong en regardant l’animé Tokyo Godfathers (2003) de Satoshi Kon (今 敏). Je me rappelle avoir rencontré le réalisateur, décédé en 2010, à Paris en 2002 ou en 2006, dans le cadre de la projection de Perfect Blue, son premier film. Un dessin dédicacé de Mima, l’héroïne du film, doit même traîner dans les cartons à la maison, encore une chose précieuse qu’il me faudra ramener un jour. Cinq heures d’escale, soit assez de temps pour me balader dans le gigantesque aéroport et espionner les boutiques de marque rivales. Départ pour Paris après minuit, je somnole vaguement deux heures à peine assis. Trop éloigné de la fenêtre il m’est impossible de contempler l’apaisant néant d’une nuit noire sans lune, je regarde les films ‘Kneecapet ‘Upstream(逆行人生) pour faire passer les interminables douze heures restantes. Premier vol sur un A350. Très silencieux mais plus étroit que je ne le pensais, les genoux pratiquement enfoncés dans le dos du siège de devant.

Arrivée à Paris au petit matin. RER, temps gris et graffitis. J’achève deux heures à la Gare de Lyon en prenant mon premier repas : charcuterie et café serré, tel un vrai touriste. Suivent deux heures de TGV à travers la campagne. Petites routes, petits villages, petites églises et vastes champs. Pas une montagne ! Incident – Comme dans un film, me dis-je – lors du contrôle des billets des deux passagères assises trois sièges devant moi : – Vous n’avez pas moins de 27 ans vous …’ Je réfléchis, pour me maintenir éveillé, à la manière dont comme dans son roman ‘La modification‘, Michel Butor aurait décrit la scène dans ses moindres détails sur une quinzaine de pages. Dijon enfin. Encore un café, puis 30 minutes de trajet en voiture pour finalement arriver à destination. Cela fait maintenant plus de 36 heures que je suis debout mais il n’est pas question de dormir, encore moins de faire la sieste, je ne me réveillerai qu’au milieu de la nuit, soit trop tard, soit trop tôt, c’est selon. Il fait si froid qu’il est difficile de dire si c’est du givre ou de la neige qui recouvre les arbres, le temps est pire que tout ce que à quoi je m’attendais, mais au moins ne pleut-il pas. Ce climat me manque … le temps d’une semaine, j’en conviens.