Parmi les nombreux projets dont j’ai parlé dans mes billets jusqu’à présent, celui qui me tient le plus à coeur et qui me vient en premier à l’esprit est celui qui consiste à parcourir le Tokai Nature Trail (東海自然歩道, Tōkai Shizen Hodō). Dans son intégralité ce tracé s’étale sur 1,697 kilomètres du Mont Takao (高尾山) à l’ouest de Tōkyō au Mont Minō (箕面山) au nord d’Osaka, mais cela fait deux ou trois ans que je parle, dans un premier temps, d’en couvrir le tronçon de 211 kilomètres qui passe par la préfecture d’Aichi. Au lieu de marcher sans véritable objectif ni plan de route je pense à l’avenir m’organiser davantage, me focaliser sur ce projet afin d’avoir la satisfaction de pouvoir dire ‘je l’ai fait !‘. Comme j’y faisais allusion dans mon précédent billet ce projet aura son propre site, sous une forme assez simpliste dans un premier temps afin de mettre en avant le fond avant la forme. Je pense relater mon avancement à travers des billets sur le blog puis réorganiser le tout sur le site en question, tout en continuant en parallèle à publier ce qui me passe par la tête comme je l’ai fait jusqu’à présent. Je ne sais pas trop encore dans quelle mesure cela influencera mon rythme de publication, cela dépendra de la fréquence de mes sorties et de la méticulosité avec laquelle je rédigerai ces ‘carnets de route’. Il s’agit surtout de me changer un peu les idées et d’avoir un objectif précis.
Le bâtiment que l’on peut apercevoir au loin sur la première photo est le Nagoya Congress Center, un centre de congrès polyvalent situé au sud de la Nagoya. Le centre a été construit pour l’Exposition mondiale du design, ‘Design-Haku’ (世界デザイン博覧会), qui s’est tenue à Nagoya en 1989. En fait je triche un peu puisque ces photos ont été prises l’année dernière à la même date à quelques jours près. Je finissais alors ma visite du Parc Shirotori, j’avais encore un peu de temps de libre et pensais jeter un oeil sur le Congress Center que je n’avais jamais visité. En me baladant dans le petit parc qui sépare les deux endroits je suis aguiché (décidément!) par des voix et des cris provenant du stade de baseball sur ma droite. J’entre à l’intérieur, un match opposant deux équipes amateurs s’y déroule. Je m’assois un instant dans les gradins presque vides, le match est sans grand intérêt mais le temps bien agréable.
J’évite le sujet afin de ne pas me faire des ennemis au travail (rires) mais je n’ai absolument aucun intérêt pour le baseball, pourtant probablement le sport le plus populaire au Japon même si depuis une décennie le foot est parvenu à se faire une place dans le coeur des japonais grâce aux prouesses de son équipe nationale. J’ai été voir pourtant deux ou trois matchs des Chunichi Dragons, l’équipe professionnelle de Nagoya. L’ambiance est sympa, ça chante, ça crie, le tout dans une ambiance bon enfant, mais les matchs sont interminables, les cassures, les temps-morts, les feintes tout le temps, la totale absence de rythme … déjà que je m’ennuie sur place, alors je n’ose pas imaginer ce que cela donne à la télé ! Je dis cela parce qu’à l’heure où j’écris ces lignes la finale des World Baseball Classics (sorte de Coupe du Monde de Baseball ?) a lieu entre les USA et le Japon, mais cela ne me laisse ni chaud ni froid. Assis à la terrasse d’un café des cris proviennent régulièrement de la résidence en face, la plupart des personnes fixent leurs portables et la serveuse ne peut s’empêcher de lorgner le sien entre deux commandes. Tout est si paisible.
Comme pour nous punir de trop nous être plaints de l’étouffant chaleur du début du mois d’août, nous voilà récompensés par une dizaine de jours de pluie d’affilée au milieu du mois, là où il fait normalement le plus chaud et que se baigner dans l’eau glaciale de quelque rivière en montagne est le plus agréable. Nos vacances tombent à l’eau, si l’on peut dire. Déjà peu enclin à lutter, j’ai volontairement mis mon cerveau en veille, me suis adonné un mois durant à un doux fareniente aux limites du laisser-aller. C’est ensuite ma deuxième dose du vaccin Moderna qui m’a mis sur les rotules pendant deux jours. Un peu de fièvre, mal au coeur, courbatures diverses et un sérieux mal de crâne, le tout accompagné d’une extrême fatigue.
J’ai réussi à me rétablir à temps pour la retransmission en direct sur Youtube du Fuji Rock Festival qui a eu lieu du 20 au 22 août. Si l’année dernière les organisateurs s’étaient ‘contentés’ d’y diffuser les meilleurs passages sur scène d’une cinquantaine d’artistes depuis la création du festival en 1997, cette année Youtube annonçait un direct en bonne et due forme attribuant une chaîne à chacune des trois scènes principales. Alors que de par le passé le festival a accueilli des artistes de renommée internationale tels que The Cure, Bjork, Kenrick Lamar, Aphex Twin, Sigur Rós, Muse ou bien encore les Chemical Brothers (dont l’enregistrement en 2011 donnera le somptueux double album & DVD live Don’t Think ), pour les raisons que l’on connait cette année le line-up était uniquement constitué d’artistes japonais.
En raison du travail je suis un peu passé à côté des performances qui me paraissaient intéressantes. Je suis surtout déçu d’avoir raté celle du groupe AJICO, que je me faisais une joie de revoir sur scène après un blanc de 20 ans. Si après-coup je n’ai pas réussi à dénicher de vidéo convenable de ce concert j’ai tout de même eu la satisfaction de tomber sur ce live de plus de vingt minutes The LIVE-HOUSE by Johnnie Walker diffusé sur la chaîne musicale SpaceShower en juillet dernier.
Ce fut cependant un plaisir de retrouver le groupe de hip hop Tha Blue Herb sur scène le dimanche. Cela fait des années que je me regarde régulièrement leur interprétation du titre ‘ill beatnik‘ sur cette même scène en 2000 et elle me donne à chaque fois la chair de poule. Le rappeur Ill Bostino y est comme habité, possédé, en transe. Un court accord de piano samplé en boucle monte en crescendo alors qu’il interprète son long monologue en interpellant le public, : 先は長い、深い、コトバにならないくらい … La performance du groupe cette année aura été un peu moins envoûtante, mais malgré les vingt années passées la passion est la même.
Pour bien conclure ce mois d’août, le dernier week-end a eu lieu l’Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB), l’événement autoproclamé comme étant ‘le sommet mondial du trail’. J’étais miraculeusement en congé du vendredi au dimanche et j’ai eu tout le loisir de suivre la course principale (171km autour du Mont Blanc en parcourant 3 pays sur plus de 10.000 mètres de dénivelé positif) en direct pendant tout le long grâce au live en continu sur Youtube. Les adeptes du trail étant nombreux au Japon (le Japon a son Ultra Trail du Mont Fuji UTMJ en avril) cette année il y avait même une chaîne commentée en japonais, mais là encore on pouvait noter un flagrant manque d’enthousiasme par rapport aux français, aux américains ou aux bruyants espagnols. Pour référence ultérieure, l’édition de cette année a été remportée par le français Francois d’Haene (pour la 4ème fois) et par l’américaine Courtney Dauwalter chez les femmes (deux éditions de suite).
Si les coureurs le plus rapides finissent le parcours en un peu plus de 20 heures de course, la barrière horaire est de 46h30. Les coureurs les plus lents passent deux nuits blanches en pleine montagne, le simple fait de finir cette course est un exploit. Je suis à chaque fois particulièrement ému par les commentaires et les encouragements des speakers sur la ligne d’arrivée qui accueillent un par un les coureurs en les appelant par leur nom, les félicitant chaleureusement pour leur performance et ce quelque soit leur temps d’arrivée et même en plein milieu de la nuit. Surmonter la douleur et les coups durs, se demander pourquoi l’on s’inflige tout cela, cette bataille mentale avec soi-même … Le soulagement d’en avoir fini, les larmes de joie des coureurs me rappellent mes ‘exploits’ lors de mes marathons. A chaque fois que la semaine de l’UTMB prend fin je suis motivé comme jamais. Dés le lendemain, bien qu’épuisé par un flagrant manque de sommeil dû à l’excitation, je suis sorti courir…
L’année dernière les enfants n’avaient eu droit qu’à deux courtes semaines de vacances suite à la fermeture de l’école en avril et en mai mais cette année les vacances s’étalent sur cinq interminables semaines. Malgré la situation sanitaire globalement préoccupante je pensais tout de même au moins une fois les amener à la mer à Onoura, au sud de la péninsule de Chita, mais des suspicions d’infections auprès des collègues ont rendu impossible la moindre sortie.
Nous ne regardons généralement que très peu la télé, mais bloqués à la maison nous profitons des Jeux Olympiques, sans décalage horaire. La première partie de la cérémonie d’ouverture était d’un ennui total. Trop sobre et sans ligne directrice, je n’ai pas ressenti grand chose. Il était amusant pendant l’entrée des athlètes dans le stade de voir ceux des pays d’Amérique du Sud très enthousiastes par rapport aux autres. La joie des athlètes japonais faisait plaisir à voir, après tant de tumultes ils devaient être rassurés que les JO aient finalement lieu dans leur pays.
La seconde partie aura été plus animée. Cela m’a fait plaisir de voir Naomi Osaka désignée pour allumer la flamme olympique. Plus que le fait d’être métisse, c’est son engagement personnel aux causes qu’elle croit justes, ses fortes convictions que j’aurai aimé voir être mis plus en avant dans les commentaires. C’était un moment certes mémorable, mais en terme d’intensité il ne détrône toujours pas l’allumage de la vasque olympique par l’archer Antonio Rebollo aux JO de Barcelone en 1992. Dans l’ensemble je m’attendais à une cérémonie un peu plus dynamique et innovante, le vol synchronisé des drones restera pour moi le seul moment vraiment époustouflant de cette cérémonie,
J’ai été comme beaucoup de monde très impressionné par le skateboard, surtout l’épreuve féminine et ses adolescentes qui font des sauts spectaculaires me forçant à détourner les yeux de l’écran, traumatisé par des vidéos de chutes sur Youtube. Pendant la deuxième semaine j’ai principalement suivi les épreuves d’athlétisme, voir le pourtant somptueux stade olympique quasiment désert m’a vraiment fait mal au coeur. Je repense toujours dans ces moments-là à mes dimanche après-midis passés devant Stade 2 en compagnie de Patrick Montel hurlant comme un dégénéré. Les commentateurs japonais sont d’un ennui total, je me suis souvent demandé si c’était volontaire, afin de rester neutre et ne blesser personne.
Avec cette canicule, les épreuves de natation, de nage en eau libre ou encore la voile étaient particulièrement rafraîchissantes. Je ne comprends toujours rien aux règles de la lutte greco-romaine ou du karaté, mais l’aura qui se dégage de la karatéka Kiyo Shimizu m’a donné la chair de poule. Les 12 athlètes luxembourgeois qualifiés pour cette édition sont évidemment rentrés bredouilles, il m’était difficile de prendre mon camp quand une épreuve faisait s’affronter des athlètes japonais et français, comme au foot par exemple. J’ai été déçu que les basketteurs français n’aient pas réussi à s’imposer face à la Team USA en finale alors que la France ait décroché la médaille d’or en handball et en volley. Dans l’ensemble, compte tenu de la situation je pense que ces Jeux ont été une réussite. J’espère être en mesure d’aller à Paris en 2024.
La 10ème édition de l’IRONMAN 70.3 Centrair Chita Peninsula Japan, compétition de triathlon (Swim 1.9km, Bike 90.1km, Run 21.1km) qui se déroule normalement chaque année au mois de juin aux alentours de l’aéroport, a été reportée au mois d’octobre pour des raisons que l’on a plus besoin d’expliquer. Le tracé a également été modifié ; alors que les 90.1 km à vélo et le semi-marathon qui suit se parcourent d’habitude tout le long de la péninsule de Chita, les trois épreuves sont cette fois regroupées autour de Shinmaiko, lieu de départ de la course. L’aéroport devrait être sens dessus-dessous avec les nombreux athlètes venus d’Asie et d’Océanie qui débarquent avec leurs vélos et leur attirail, mais cette année c’est malheureusement le calme plat.
Centrair étant l’un des nombreux sponsors de l’événement, chaque année autour d’une quinzaine de collègues prennent part à la course, en relais ou en solo. Je m’entraine parfois avec eux à la course à pieds, je ne prétends pas être un bon nageur mais il y a quelques années je nageais 2km d’une traite sans difficultés. Je participerai volontiers à la course s’il n’était pas impossible de trouver un vélo convenable en dessous de 100,000 Yens, et je ne vois pas comment en plus du jogging je trouverais le temps de caser des séances de 4 heures sur ma selle. En faisant l’aller-retour jusqu’au travail, à la rigueur …
Quand mon emploi du temps le permet j’assiste au départ de la course, qui se fait généralement autour de 7h du matin, et encourage les collègues jusqu’à leur sortie de l’eau. Je n’ai malheureusement pas pu y aller cette année, mais j’aime beaucoup l’ambiance de grande épreuve internationale, la tension dans l’air, les visages concentrés des athlètes. A chaque fois je me dis qu’il faudrait tout de même que j’y participe une fois, ne serait-ce qu’en relais. Les inscriptions se font en décembre, nous verrons bien …
Les marathons de Nara, Matsumoto, le Nagoya Adventure Marathon, Ibigawa (Gifu), le semi de Matsukawa (Nagano) ou bien encore le Ninja Trail (Mie) … Je ne me faisais pas trop d’illusions, mais même les courses reportées en fin d’année sont finalement annulées. Par ailleurs, il en est de même pour toutes les courses de l’UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc). Je suis là encore plutôtdéçu puisque je pensais pour cette édition prendre congéexprès pour assister à la retransmission en direct en ligne de la principale course qui devait avoir lieu à la fin du mois.
Alors que la fin de la saison des pluies marque normalement le début des sorties longues de 15 à 20 km, je reste bloqué au footing de 10km du week-end que j’alterne avec des balades et promenades à vélo ou à pied dans la péninsule de Chita. Comme je ne suis pas bien épais, courir pour maigrir n’a jamais été une source de motivation. Comme il semble que je ne sois pas le seul dans ce cas on commence à trouver sur internet des courses virtuelles. Je me suis vite-fait inscrit (gratuitement) à l’UTMB® Virtual 50, qui consiste à courir 50km avec un dénivelé positif de 2,500m, ou bien 75km sur terrain plat -100 mètres de dénivelé positif étant comptabilisés comme 1km sur terrain plat.
Afin de pouvoir courir en évitant la chaleur de la ville, la foule et ses virus, je me suis rendu au Mont Chausu (Chausuyama), plus haut sommet de la préfecture d’Aichi, (1,412m) pour voir à quoi cela pouvait bien ressembler de parcourir 10km dans la montagne dans un lieu qui m’est familier. Au départ j’avais en tête de monter et descendre plusieurs fois la piste de ski, mais après un premier aller-retour je me rends vite compte du peu d’intérêt de la chose, et emprunte pendant 90 minutes les différents sentiers de la montagne située en face. Lors de la montée les chemins sont trop étroits, la pente trop raide pour pouvoir faire autrement que marcher, il en est très bien ainsi puisque je sue à grosses gouttes. A chaque fois que j’atteins le sommet je savoure la vue sur les montagnes alentours et redescends à toute allure en bondissant comme un cabri. C’est grisant, j’exulte.
C’est chaque année la même chose. Une fois ma saison de course à pied terminée, quelque part entre novembre et décembre, j’entre en hibernation. Et chaque année, je me trouve de nouvelles excuses. Cette fois-ci : Les courses auxquelles je pensais participer (à savoir le semi-marathon d’Inuyama, et le Kagamigahara Panorama Trail Run dans sa version courte de 15km) ont été annulées en raison du Covid.
Est-ce que cela m’empêche de m’entraîner malgré tout ? Absolument pas ! Pas de confinement par ici, 95 % de mes entraînements se font en solitaire et comme nous ne sommes pas en métropole, je peux parfois courir une heure durant sans croiser qui que ce soit. Après une pause de trois semaines après le semi de Tokai City j’étais pourtant parvenu à faire ce qui me semblait être le plus dur, c’est à dire tout simplement me remettre à courir en début d’année, mais ces annulations ont tout simplement réduites ma motivation à néant.
Cette année j’ai pour objectif de finir un marathon en dessous de 4h15mn ou encore de courir mon premier trail. L’année dernière je n’avais commencé à m’entraîner sérieusement que début juin et suis donc encore largement dans les temps, mais difficile de savoir si les courses auxquelles je pense participer auront lieu ou pas. Par ailleurs, le marathon d’Ibigawa est d’hors et déjà annulé. Enfin, nous sommes tous en bonne santé, de quoi nous plaignons nous ?
Je suis venu à bout du marathon d’Ibigawa et j’améliore mon record personnel de 20 minutes à 4h32. Résultat tout à fait satisfaisant après un blanc de presque trois ans sur l’épreuve reine. Il faut dire que cette fois-ci j’avais un objectif concret : Courir autour de 6’15 au kilomètre du début à la fin. Au marathon de Nara, de peur de courir à trop vive allure au départ emporté par la foule, j’y étais allé un peu trop doucement et je n’avais pas réussi à trouver mon rythme. J’ai cette fois-ci couru au rythme proclamé, et je m’y suis tenu, ralentissant un peu dans les montées puis accélérant dans les descentes.
Comme on annonçait jusqu’à 20 degrés en après-midi j’ai pris le départ en manches courtes, mais la majeure partie du parcours se déroule en montagnes et qui de plus est en bord de rivière. A l’ombre de l’épaisse forêt en deuxième moitié du parcours (assez épaisse par ailleurs pour complètement détraquer ma montre GPS) j’ai carrément eu froid. Par ailleurs, le paysage était somptueux, bien qu’il soit encore un peu trop tôt pour totalement apprécier le kôyô, le feuillage d’automne.
Au bout d’une quinzaine de kilomètres je me retrouve dans un petit groupe de cinq ou personnes courant au même rythme que moi. Au tant redouté mur des 30 km, bête noire de tout coureur, je les cloue sur place. Alors que tout le monde marche, je trottine. En continuant de la sorte la barre des 4h30 est à ma portée !
Comme je suis resté plutôt calme alors que j’aurai pu m’emballer au vu de la situation (garder mon rythme !) le mur invisible, mais pourtant bien là, dressé devant moi quelques kilomètres plus loin, au 37km exactement, n’en est que plus incompréhensible encore. Mon genoux droit hurle soudain de m’arrêter, ma cheville droite lui fait coeur. Je grimace, je parle tout seul. Je ralentis, mais ne m’arrête pas. Un chic type à côté de moi m’encourage et m’accompagne, nous finissons la course ensemble.
Pendant que je m’étire vaguement, un constat : Lors de ma préparation j’ai gagné en vitesse mais il m’aurait fallu faire une ou deux sorties longues supplémentaires pour pouvoir tenir le rythme jusqu’au bout. Je quitte rapidement les lieux et me rue au onsen le plus proche. L’eau brûlante apaise immédiatement toutes les douleurs possibles et inimaginables. L’endroit est bientôt envahi de coureurs de tout poil. Vainqueurs et perdants, jeunes et vieux. Tous parlent déjà de leur prochaine course.
Nous avons failli habiter ici. Lors de sa construction nous avions visité ce bel immeuble situé au bord de mer. La plage, toute proche. Plage artificielle, certes, mais plage quand même. Nous étions à l’époque tous excités rien que d’imaginer ce que nous allions y faire les jours de congés. Promenades à vélo, course à pied, beach-volley et planche-à-voile …
Il fait déjà très chaud pour cette fin de mois de juin. Je viens exprès jusqu’ici pour courir et profiter de l’air marin, bien moins désagréable que l’air moite de la saison des pluies. Je cours vers le sud en direction de l’aéroport, dont on peut apercevoir la tour de contrôle. C’est l’heure de pointe aux arrivées, toutes les 5 minutes un avion passe à basse altitude le long de la rive sur ma droite, ce qui m’offre un peu de distraction alors que la température grimpe et que les jambes se font lourdes. Au bout de 45 minutes de course je fais le chemin en sens inverse. J’ai maintenant pour divertissement les vols nationaux partant pour Hokkaido. Lorsque le vent souffle du sud vers le nord, après le décollage ceux-ci ont la particularité de faire un grand virage vers l’ouest puis de remonter la baie d’Ise en son centre, procédure qui leur permet de ne pas entrer en collision avec les vols entrants.
Courir pendant une heure et demie avec le vrombissement incessant des moteurs tout autour de moi m’a ouvert l’appétit – et presque donné le torticolis. Je m’étire vaguement puis décide d’aller prendre quelques photos d’avions à partir d’un spot que j’ai découvert par hasard lors de mon tour d’échauffement. La jetée en béton de 600 mètres qui coupe la baie en angle droit est envahie de tout son long par des pêcheurs à la ligne. Je me fais une place et attends sous le soleil au zénith. L’emplacement est exceptionnel, je suis pratiquement sous l’avion. Malheureusement il y a très peu de vols à cette heure-ci, et quand il y en a ce sont de petits appareils. Je reste un peu sur ma faim, il me faudra venir plus tôt, en matinée. Entre deux vols j’ai eu tout le loisir d’observer diverses sortes de bateaux. Je ne m’étais jamais rendu compte qu’il y en avait de toutes les formes possibles et imaginables.
Les pêcheurs sont absorbés dans leurs pensées. Hormis quelques enfants turbulents ayant perdu patience à force d’attendre que ça morde on n’entend que le bruit des vagues, le piaillement des oiseaux et le bruit sourd des jet-ski, des bateaux et des avions qui quadrillent mer et ciel. Si j’ai toujours beaucoup de difficultés à m’étirer correctement après mes entraînements, ce havre de paix m’a grandement aidé à recharger mes batteries.
Après un semi-marathon laborieusement terminé au Fuji Speedway en décembre 2017, je me suis accordé un peu de repos et me suis remis à courir début février 2018. Afin d’améliorer mon temps et de varier mes entraînements, j’ai commencé à participer aux sessions d’un club d’athlétisme local. J’ai ainsi redécouvert le plaisir de courir en groupe, d’avoir à forcer un peu pour ne pas être à la traîne, la vitesse n’étant pas mon fort. Alors que je fais des tours de piste au stade, voir des jeunes entre 10 et 15 ans s’entraîner à côté de moi m’a rendu nostalgique, je faisais pareil à leur âge.
Début juin je suis déjà en mesure de courir 20km deux jours d’affilée, et avec le recul je me dis que j’y ai été un peu trop fort. Le marathon de Shimada (Shizuoka pref.) auquel je m’étais inscrit ayant lieu fin octobre, même motivé je ne vois pas comment mon corps aurait tenu le rythme pendant encore quelques mois.
Juillet et son interminable saison des pluies. J’ai essayé de courir sous la pluie. Ce n’est même pas rafraîchissant, juste désagréable. Août, la canicule. Il me faut engloutir un litre d’eau rien que pour parcourir 5 petits kilomètres au retour du travail, puisqu’il fait encore 33 degrés à dix heures du soir ! Fin août on me propose un important voyage d’affaire qui s’avérera très enrichissant professionnellement parlant, mais sur le plan sportif va pratiquement réduire à néant mes efforts fournis jusque là. Je ne peux cependant m’empêcher d’emporter dans mes valises ma tenue de sport, et m’offre deux sorties aux alentours de l’aéroport de Munich au petit matin – un moment inoubliable dont il me faudra reparler dans un autre article.
Il ne me reste plus qu’un petit mois. Je peine à courir de manière satisfaisante ne serait-ce qu’une dizaine de kilomètres et me vois obligé de déclarer forfait. J’ai pour habitude de dire que tant que la fatigue est plus mentale (ne pas avoir envie de courir) que physique (ne pas pouvoir courir) il vaut mieux se secouer les puces, sans quoi les remords s’installent. J’écris ces lignes avec un peu de regret, preuve que les choses auraient pu mieux se passer si je m’y étais pris autrement.
Je me suis inscrit hier au marathon d’Ibigawa (Gifu pref.), qui aura lieu le 10 novembre. C’est une course assez réputée dans la région, un beau parcours au creux des montagnes, non loin du mont Ibuki. Les inscriptions se font sur internet à une heure donnée. Comme tout le monde se rue sur le site en même temps, le réseau est complètement saturé. J’ai passé un quart d’heure a rafraîchir la page toutes les 10 secondes, mais suis miraculeusement parvenu à m’inscrire hier soir.
J’ai repris en douceur l’entraînement ce mois-ci. Je prends beaucoup de plaisir à réfléchir à la manière dont je vais pouvoir m’entraîner en juillet et août alors que l’on a déjà eu 33 degrés la semaine dernière. Me réfugier dans les montagnes de Nagano ou dans les bois ? Courir à 4 heures du matin, alterner avec des sessions à la piscine, ou bien repousser les longues sorties au mois de septembre ?