Tag Archives

4 Articles

livres

Du monde (et des plantes) au balcon

Posted on

J’ai fini par me faire échanger mon smartphone défectueux pour un nouvel appareil (un Motorola g66j, pour référence ultérieure), mettant ainsi fin à trois semaines de ‘sevrage’ forcé. L’addiction était cela dit tout ce qu’il y a de relative puisqu’au bout de trois jours l’absence de smartphone ne me préoccupait plus au point que même le temps d’utilisation de mon ordinateur portable était pratiquement réduit à néant – d’où l’absence de billet sur le blog et de grosses difficultés à remettre la machine en marche. Malgré un mois de septembre extrêmement chargé au travail je suis parvenu à courir plus de 25 kilomètres par semaine et surtout, j’ai lu quatre livres en moins d’un mois, chose que je n’avais plus fait depuis bien longtemps. (Peut-être faut-il remonter aux années 2004-2006 à Paris où, n’ayant aucune connexion internet par manque de moyens, la lecture était mon principal loisir en dehors des cours à l’INALCO et de mon boulot à mi-temps à Kioko.) J’ai lu le très beau recueil de huit nouvelles qu’est ‘Omajinai‘ de Kanako Nishi (おまじない、西加奈子、2021), le troublant ‘After Dark‘ de Haruki Murakami  (アフターダーク, ‘Le Passage de la nuit’ en français, 2004), ‘Itsumo kuru onna no hito‘ de l’inépuisable Yoshio Kataoka (いつも来る女の人, 片岡義男, 2021) ou encore ‘Commentator‘ de Hideo Okuda (コメンテーター、奥田英朗、2023). J’ai songé un moment à en résumer leur contenu et en faire quelque critique, mais cela serait me lancer encore dans une nième nouvelle voie qui ne mènerait nulle part.

Je me suis souvent fait la réflexion que le fait de lire, de lire vraiment – en savourant chaque mot, en tentant de visualiser dans ma tête à quoi pourrait ressembler une pièce ou un personnage longuement et consciencieusement décrit – me semblait avoir le pouvoir de modifier la manière dont on ressent l’écoulement du temps un fois le livre refermé. Comme si tout, autour de nous, se mettait à ralentir, pour que notre esprit, encore affûté par le contact avec la beauté des mots, puisse saisir et nommer avec justesse ces gestes ou ces détails du quotidien qui, d’ordinaire, nous échappent. Comme une forme d’hypersensibilité, une transe douce, qui nous envahit et nous rend humbles devant la beauté simple et tranquille du monde. Si seulement tout le monde mettait autant d’ardeur à bouquiner qu’à s’éclipser sur le balcon pour vérifier ses notifications …

architecture/livres

Évasion – 現実逃避

Posted on

otgawa - 1otgawa - 2otgawa - 3otgawa - 4otgawa - 5otgawa - 6otgawa - 7otgawa - 8

La gare d’Otagawa se situe à mi-chemin entre Nagoya et Centrairl’aéroport international de Nagoya. Alors qu’il s’agissait d’une minuscule gare jusqu’à son réaménagement il y a quelques années, avec son imposante construction sur trois niveaux elle est maintenant la gare principale de la péninsule de Chita.

Les photos ci-dessus ont été prises le week-end dernier, en pleine Golden Week, la période de grande transhumance, peu après midi. Normalement à cette période tout le monde se marche sur les pieds sur les plate-formes pleines à craquer de voyageurs qui s’apprêtent à prendre l’avion et les personnes en congé qui vont se balader à Nagoya. Je ne rencontre cependant aucune difficulté à prendre des photos sans âme qui vive. Mon appareil à la main j’ai l’impression de participer à un événement de pré-ouverture de l’établissement où seuls les médias auraient accès.  Alors que malgré les restrictions les magasins et restaurants autour de chez nous sont à peine moins remplis que d’habitude, les transports en communs sont vides. Afin d’éviter les contaminations tout le monde semble se déplacer en voiture, raison pour laquelle la Meitetsu, la compagnie qui gère les lignes ferroviaires dans les préfectures d’Aichi et Gifu a réduit son nombre de mouvements de trains journaliers.

Selon le train que je prends il me faut soit 15 soit 30 minutes pour me rendre à l’aéroport mais je prends volontiers le train le plus lent. Avec tout le monde à la maison depuis plus d’un mois, le trajet pendulaire est à peu près mon seul moment de calme dans la journée. Depuis quelques jours j’y lis Fish Story (フィッシュストーリー), le recueil de nouvelles de Kôtarô Isaka. Isaka est un auteur vers lequel je reviens fréquemment. Il parvient toujours à mettre en scène de manière très efficace des histoires extraordinaires sans avoir recours à de longs préambules ou des formulations assommantes. J’ai récemment appris que quelques unes de ses oeuvres sont traduites en français par Corinne Atlan chez Picquier. J’ai trouvé cela amusant puisqu’on lui doit également la plupart des traductions des livres de Haruki Murakami alors que j’ai toujours trouvé qu’il y avait une certaine ressemblance entre ces deux auteurs. Alors que depuis quelques années l’ego démesuré et les histoires finalement toujours à peu près identiques dans leur structure de ce dernier me repoussent, les bouquins d’Isaka me plongent immédiatement dans son univers.

J’oublie tout l’espace d’une demie-heure. L’évasion, l’échappement, c’est exactement ce dont j’ai besoin en ces moments troubles. En japonais on dit ‘genjitsu-touhi‘ ( 現実逃避 ) littéralement ‘la fuite de la réalité‘. Les photos de ce billet me semblent de toute manière irréelles.

livres

La course au mouton sauvage

Posted on

Même si dans l’ensemble le livre m’a quelque peu déçu, ‘la course au mouton sauvage’ contient quelque passages forts rigolos. Il a bouffé du Devos, Murakami ?

Minou minou minou, dit le chauffeur au chat, en se gardant bien d’y porter la main. Comment s’appelle-t-il ?
– Il n’a pas de nom.
– Comment faites-vous alors pour l’appeler ?
– On ne l’appelle pas, dis-je. Il est là, c’est tout.
– Mais il ne reste pas tout le temps immobile. Il bouge sous l’effet d’une volonté. Ça ne vous semble pas bizarre qu’un être qui agit de par sa volonté n’ait pas de nom ?
– Les sardines aussi bougent selon leur volonté, et pourtant on ne leur donne pas de nom.
– Oui mais il n’y a aucun échange affectif entre une sardine et un être humain. D’ailleurs une sardine ne comprendrait pas son nom. Cela dit, rien ne vous empêche de lui en donner un.
– Si je vous comprends bien, pour qu’un animal puisse prétendre à un nom il faudrait qu’il se meuve de sa propre volonté, qu’il soit capable d’échanges affectifs et, qui plus est, qu’il soit doté du sens de l’ouïe. N’est-ce pas ?
– C’est cela, oui, dit le chauffeur qui opina à plusieurs reprises, l’air convaincu. Dites, ça vous dérangerait si je luis donnais un nom ?
– Absolument pas. Comment l’appelleriez-vous ?
– Que diriez-vous de ‘Sardine’ ? Puisqu’au fond vous l’avez traité comme une sardine jusqu’à présent.
– C’est pas mal, dis-je
– N’est-ce pas ? fit-il fièrement.
– Qu’en dis-tu ? demandais-je à ma girlfriend.
– Pas mal du tout, dit-elle. On croirait assister à la création du monde.
– Et la Sardine fut ! dis-je.
– Viens, Sardine, dit le chauffeur en prenant le chat dans ses bras.