Gamagōri City Sports Center – Gamagōri, Aichi pref.





J’ai été pris la veille par une soudaine envie de voir la mer, ce qui m’amène en direction de Gamagōri (蒲郡市), petite ville tranquille réputée pour ses mandarines et pour avoir accueillie une étape de la Coupe du Monde de Voile en octobre 2017. Pour pouvoir profiter le plus possible de cette belle journée ensoleillée je quitte la maison vers peu après sept heures, me retrouve ainsi mêlé vingt minutes durant dans le train à la cohue des travailleurs pendulaires. Cela va faire 19 ans que je travaille au Japon et mes trajets se faisant toujours dans le sens inverse aux leurs, c’est une chose dont je ne fais l’expérience que rarement, mais je me dis toujours que je serai incapable de m’y habituer. (‘I’m a reasonable man, get off my case, get off my case‘). Le trajet de Nagoya à Gamagōri dans un wagon pratiquement vide n’en est que plus agréable. J’écoute Deadbeat, le dernier album en date de Tame Impala, en contemplant le paysage qui défile. Les morceaux sont tous bons, l’album est fluide et s’écoute d’un traite mais je le trouve trop lisse et sans accrocs, sans surprise ni saveur particulière. Innerspeaker (2010) s’ouvrait sur le psychédélique ‘It is not meant to be’ qui m’a plongé avec nostalgie dans une époque que je n’ai jamais connu, Currents (2015) démarrait avec ‘Let it Happen‘, huit minutes d’euphorie mélangeant psyché rock et textures électroniques. Si l’on y réfléchit, dix ans et trois albums plus tard il semble normal que le son soit cette fois carrément contemporain avec ses accents dance-music puisque c’est un style musical auquel Kevin Parker n’avait jusqu’à présent vaguement touché que du bout des doigts – Heureusement cependant que le hit planétaire ‘Surrender’ ne se trouve pas sur l’album, sans quoi l’overdose était assurée.
Je n’ai qu’une vague idée de mon itinéraire une fois arrivé à destination, dans un premier temps je pense cette fois tranquillement faire le tour de l’île Takeshima (竹島), qui avait fait sujet à problèmes lors de notre dernière venue en famille. Une rapide recherche à propos des curiosités architecturales locales fait ressortir un étonnant bâtiment, le Gamagōri City Sports Center (蒲郡市民体育センター), gymnase situé à 15 minutes de la gare de Gamagōri.
Le bâtiment a été terminé en février 1968. Il est l’oeuvre de l’architecte Tokio Tsuruta (鶴田日夫), pour le compte du bureau d’architectes Ishimoto Architects (石本建築事務所). En en approchant je suis immédiatement fasciné par ses sept colonnes de béton inclinées de chaque côté et son toit qui paraît flotter au-dessus de l’espace principal, comme tenu, non, étiré par sept paires de bras. Le bâtiment me fait également penser à quelque insecte à 14 pattes. Si le gymnase, d’un blanc impeccable, semble extrêmement bien entretenu, c’est qu’il vient d’être rénové en 2021 après un an de travaux de renforcement sismique, d’installation d’une nouvelle climatisation et de rénovation du sol sportif et de l’éclairage. Il semblerait qu’il ait été question à un moment de le reconstruire complètement, mais le fait qu’il ait été inscrit au registre DOCOMOMO Japan (registre qui vise à identifier, documenter et préserver les bâtiments et ensembles urbains emblématiques du mouvement moderne) en 2019 aurait grandement joué en la faveur d’un effort visant à le préserver tel-quel.
14 pattes. Curieux quand même … Je le découvre en écrivant ses lignes mais il se trouve que l’isopode géant des abysses (ダイオウグソクムシ en japonais), crustacé mesurant jusqu’à 30 cm de long et pesant environ 1 kg vivant dans des profondeurs allant de 200 à 1,000 mètres, a justement 14 pattes. Or, il se trouve que ce ‘monstre’ est l’une des principales attractions de l’Aquarium de Takeshima (竹島水族館), connu pour sa grande variété d’espèces de poissons d’eau de mer, en particulier ceux des profondeurs, ainsi que pour ses expositions uniques et les panneaux d’explication humoristiques faits à la main par le personnel. Il apparait d’ailleurs en gros plan en page d’accueil du site officiel de l’aquarium. L’aquarium ayant ouvert ses portes en 1956, soit douze ans avant la construction du gymnase, il n’est pas improbable que Tokio Tsuruta ait pris l’isopode géant pour modèle après que celui-ci ait apparu dans les pires cauchemars du petit Tokio depuis sa première visite à l’aquarium encore gamin. J’ai cherché un peu sur la toile mais je n’ai trouvé ni détail sur l’architecte, ni allusion à un rapport entre le crustacé et le bâtiment qui puisse confirmer ma théorie. Il pourrait être amusant de poser la question à la mairie de Gamagōri ou au cabinet d’architecte, mais je ne suis pas sur qu’il aient le sens de l’humour. Encore une side quest de plus !






















































