Tag Archives

2 Articles

a blast from the past/musiques

‘They didn’t bring us here at all. We brought ourselves. ‘ – Okazaki, Aichi pref.

Posted on







C’est toujours en automne que l’envie me prend de retourner à Okazaki. Sans doute parce que c’est en octobre que je suis venu au Japon pour la première fois, mais aussi au même mois que je m’y suis installé pour de bon, bien qu’à un tout autre endroit. D’habitude je m’y rends en train en utilisant la Meitetsu. Il faut remonter vers Nagoya puis repartir vers l’est pour une autre demi-heure, le trajet est excessivement long mais cela ne me dérange pas, je me perds dans mes pensées en contemplant le paysage et me réjouit de voir que le paysage n’a guère changé au fil des années.

Par précaution, je m’y rends cette fois-ci en voiture, en faisant hurler E.L.E 2, le dernier album en date du sauvage rappeur américain Busta Rhymes, aguiché par son featuring avec Kendrick Lamar sur ‘Look over your shoulder‘ entendu la veille sur Radio Nova. Je suis moi-même étonné du choix musical alors que quelque chose d’un peu plus calme semblerait plus approprié. J’ai jusqu’à l’entrée de la ville hésité à faire un passage aux deux bâtiments du Yamasa Institute. Je m’y étais rendu il y a quelques années et le temps semblait s’être figé, le vieux hangar abritant les salles de classe était tel quel, seuls les professeurs avaient entre-temps été remplacés et l’on m’avait appris que le directeur de l’établissement, Tô-sensei, avait lui aussi changé.

Finalement je me suis dis que j’allais prendre mon temps et me balader autour du château d’Okazaki et profiter du parc avoisinant et des belles couleurs de l’automne. Au mois de novembre on fête le le Shichi-go-san (七五三, littéralement ‘sept-cinq-trois’) l’une des trois fêtes qui célèbrent les enfants. On vient en famille, tout le monde est, pour rester dans les nombres (tous premiers par ailleurs), sur son trente et un (三十一), les enfants habillés de kimono ou de hakama de toute beauté, mais je n’ai pas le courage de les prendre en photos. Toutes les trente minutes une prière est donnée en faveur des enfants et la voix grave du moine résonne dans la cour. Ce sont là des sonorités que j’aime beaucoup, il faudra une fois que j’en enregistre quelques parties.

Je m’éloigne du château pour longer la ligne Meitetsu. Après les photos d’avions, voilà que je mets aux photos de chemin de fer ? Mes pas me mènent finalement à l’endroit au j’habitais lors de mon premier séjour, à dix minutes du parc. Je le savais pour être déjà ‘passé devant’ sur Google Maps, l’immeuble est toujours là mais l’intérieur a été intégralement réaménagé en magasin spécialisé en appareil auditifs. Je rêvasse quelques minutes. Qu’est devenue la précédente propriétaire ? Et si j’entrais pour demander que l’on me fasse visiter le troisième étage où se trouvait ma chambre ?

architecture/livres

Évasion – 現実逃避

Posted on

otgawa - 1otgawa - 2otgawa - 3otgawa - 4otgawa - 5otgawa - 6otgawa - 7otgawa - 8

La gare d’Otagawa se situe à mi-chemin entre Nagoya et Centrairl’aéroport international de Nagoya. Alors qu’il s’agissait d’une minuscule gare jusqu’à son réaménagement il y a quelques années, avec son imposante construction sur trois niveaux elle est maintenant la gare principale de la péninsule de Chita.

Les photos ci-dessus ont été prises le week-end dernier, en pleine Golden Week, la période de grande transhumance, peu après midi. Normalement à cette période tout le monde se marche sur les pieds sur les plate-formes pleines à craquer de voyageurs qui s’apprêtent à prendre l’avion et les personnes en congé qui vont se balader à Nagoya. Je ne rencontre cependant aucune difficulté à prendre des photos sans âme qui vive. Mon appareil à la main j’ai l’impression de participer à un événement de pré-ouverture de l’établissement où seuls les médias auraient accès.  Alors que malgré les restrictions les magasins et restaurants autour de chez nous sont à peine moins remplis que d’habitude, les transports en communs sont vides. Afin d’éviter les contaminations tout le monde semble se déplacer en voiture, raison pour laquelle la Meitetsu, la compagnie qui gère les lignes ferroviaires dans les préfectures d’Aichi et Gifu a réduit son nombre de mouvements de trains journaliers.

Selon le train que je prends il me faut soit 15 soit 30 minutes pour me rendre à l’aéroport mais je prends volontiers le train le plus lent. Avec tout le monde à la maison depuis plus d’un mois, le trajet pendulaire est à peu près mon seul moment de calme dans la journée. Depuis quelques jours j’y lis Fish Story (フィッシュストーリー), le recueil de nouvelles de Kôtarô Isaka. Isaka est un auteur vers lequel je reviens fréquemment. Il parvient toujours à mettre en scène de manière très efficace des histoires extraordinaires sans avoir recours à de longs préambules ou des formulations assommantes. J’ai récemment appris que quelques unes de ses oeuvres sont traduites en français par Corinne Atlan chez Picquier. J’ai trouvé cela amusant puisqu’on lui doit également la plupart des traductions des livres de Haruki Murakami alors que j’ai toujours trouvé qu’il y avait une certaine ressemblance entre ces deux auteurs. Alors que depuis quelques années l’ego démesuré et les histoires finalement toujours à peu près identiques dans leur structure de ce dernier me repoussent, les bouquins d’Isaka me plongent immédiatement dans son univers.

J’oublie tout l’espace d’une demie-heure. L’évasion, l’échappement, c’est exactement ce dont j’ai besoin en ces moments troubles. En japonais on dit ‘genjitsu-touhi‘ ( 現実逃避 ) littéralement ‘la fuite de la réalité‘. Les photos de ce billet me semblent de toute manière irréelles.