Après avoir déposé Léo à 10h dans un quartier situé au sud-est du château de Nagoya, il me faut y retourner à 15h pour aller l’y récupérer. Le temps est gris et imprévisible mais je n’ai pas envie de perdre mon temps à faire l’aller-retour la maison et décide donc de faire une petite trentaine de minutes de marche jusqu’à l’université Nagoya Zokei Daigaku (NZU), découverte par hasard il y a quelques mois. Une fois sur place je fais une fois le tour du bâtiment et me décide cette fois à discrètement m’engouffrer dans la cour à l’intérieur. En réalité je me suis fait du tracas pour pas grand chose, une pancarte explique en effet que le rez-de-chaussée est accessible au public pendant l’été dans le cadre d’une opération intitulée ‘北区まちなか避暑地‘, durant laquelle le district de Kita-ku propose à ses résidents de fuir la chaleur en prenant refuge dans l’un des 21 campus universitaires, bibliothèques et autres centres commerciaux proches de chez eux.
J’ai pratiquement le bâtiment pour moi tout seul et monte et descend librement tout ce qu’il compte comme escaliers. Les formes simples me font penser à un stage de jeu vidéo. Les rayons de soleil passent à travers les ouvertures carrées dans le toit et frappent la façade, formant en dehors des escaliers les seules lignes qui ne soient pas horizontales ou verticales. Bientôt le ciel s’assombrit et il se met à pleuvoir. J’en profite pour prendre mon temps et m’asseoir, en hauteur, sur l’un des bancs mis à disposition. D’ici je domine la cour tout en restant inaperçu. J’écoute quelques temps la pluie qui tombe, puis à défaut d’avoir autre chose à faire, sors mon carnet pour prendre quelques notes. Comme ce fut le cas lors de ma visite à Atsuta-jingū la semaine précédente, je me dis qu’au lieu de me dépêcher et de courir à droite à gauche je devrais toujours inclure dans mes balades une pause d’une demi-heure pour me poser quelque part et noter sur le vif mon ressenti.
Fin juillet. Il fait atrocement chaud mais je refuse pour autant de rester enfermé. Je trouve ainsi refuge parmi les nombreuses vastes allées ombragées par d’immenses arbres qui me semblent millénaires, au sein du sanctuaire Atsuta-jingū (熱田神宮), situé au sud de Nagoya.
Le sanctuaire Atsuta Jingū (sanctuaire d’Atsuta), est l’un des centres de culte les plus importants du Japon avec ses près de 9 millions de visiteurs par an. Construit sous le règne de l’Empereur Keikō (73-130), ce qui en fait l’un des plus anciens lieux de culte du Japon, il est dédié à la déesse du soleil Amaterasu, la plus sacrée du panthéon shintō. Le sanctuaire aurait été construit pour accueillir notamment le Kusanagi no Tsurugi(草薙の剣), le ‘sabre faucheur d’herbe‘ qui aurait été offert par cette même déesse à ses descendants, la famille impériale du Japon. Le sabre est l’un des trois trésors sacrés du Japon, avec le miroir de bronze Yata-no-Kagami qui repose au sanctuaire d’Ise dans la préfecture de Mie, et le bijou Magatama, conservé quant à lui au Palais Impérial de Tokyo. Ces trois reliques ne sont visibles que par quelques privilégiés, l’empereur et quelques prêtres de très haut rang.
Je me dirige sans trop réfléchir, comme attiré peut-être, vers le sanctuaire principal où je suis me suis rendu une demi-douzaine de fois de par le passé. Nous sommes bien loin de la foule qui s’y rue autour du Nouvel An, à peu près la moitié des visiteurs me semblent être étrangers. Juste après m’être levé les mains au chōzuya, je suis fasciné par un gigantesque camphrier. Il porte autour du tronc, qui fait plus de 7 mètres de diamètre, une banderole de papier plié en forme d’éclair signifiant qu’il y demeure une divinité. Faisant plus de 20 mètres de haut, partiellement recouvert de mousse, avec ses branches se tortillant vers le ciel et ses jeunes pousses faisant irruption des ses propres racines, il a effectivement quelque chose de solennel. Si j’avais bien entendu remarqué cet arbre majestueux auparavant, je lui porte cette fois une attention toute particulière après avoir justement fini de lire le livre de l’écrivain à succès Keigo Higashino (東野 圭吾), クスノキの番人 (The Camphor Keeper), dans lequel un camphrier magique a le pouvoir d’emmagasiner les voeux de ceux qui viennent y prier afin d’être transmis d’une génération à l’autre au sein d’une même famille. L’intrigue a un peu du mal à se mettre en place, avec ses 483 pages le livre est un poil trop long, mais dans l’ensemble je l’ai trouvé agréable à lire et je dois avouer avoir été surpris par le dénouement. Comme le trio d’arbres géants à Osu dont j’ai déjà parlé plusieurs fois dans ces pages, les camphriers ont vraiment quelque chose d’enchanteur et de prodigieux.
C’est donc dans cet état d’esprit un peu mystique que j’atteins le sanctuaire principal. Après avoir effectué une prière je traine autour du comptoir où sont vendus les amulettes porte-bonheur o-mamori. Du fond de la cour un jeune prêtre de grande taille tout vêtu de blanc s’avance à grands pas vers l’un des guichets et s’y assoit, et bientôt une file d’attente d’une dizaine de personnes se forme. Il s’agit de la personne qui écrit les ‘go-shuin’, les sceaux donnés aux fidèles et aux visiteurs des sanctuaires shintoïstes ou dans les temples bouddhistes au Japon. Les sceaux sont souvent rassemblés dans des carnets en papier cartonné appelés shuin-chō qui sont vendus dans les sanctuaires et les temples. En réalité cela fait plusieurs années que je pensais m’en procurer un, j’attendais soit un coup de coeur, soit d’avoir l’occasion d’aller au Hikouki-jinja(飛行機神社), le sanctuaire dédié à l’aviation situé à Kyōto pour mettre la main sur le sublime carnet violet élaboré en collaboration avec la compagnie aérienne japonaise ANA. Celui d’Atsuta-jingū, de couleur vert sapin, avec sur la couverture un badge héraldique goshichi-kiri-mon (五七桐紋) et à l’arrière l’inscription Atsuta-Jingū en lettres dorées, est bien sobre, mais à quoi bon attendre ? Sans trop réfléchir je m’approprie mon premier shuin-chō et y fait inscrire mon premier go-shuin. Voilà encore une occasion supplémentaire de voyager a travers le pays …
Toujours sur mon petit nuage je reviens sur mes pas pour faire un tour à la nouvelle aire de repos Kusanagi Hiroba (くさなぎ広場), entièrement réaménagée puis ouverte au public en juillet 2021, et dont j’avais vu quelques photos dans le magazine d’architecture Shin-kenchiku du mois de mai. Je peine à me souvenir à quoi ressemblait l’endroit auparavant mais il me semble que l’entrée qui menait sur l’étang était discrète et que le petit restaurant où l’on pouvait déguster de délicieux plats de nouilles plates kishimen en surplombant l’étang n’avait lui non plus rien de particulier. Cette discrétion avait son charme, comme si connaître son existence donnait à lui seul l’impression d’être un initié, ce qui n’est pas rien étant donné la nature spirituelle du lieu. Economiquement parlant ce système n’est bien entendu pas viable, et les promoteurs ont vu grand pour cette rénovation. L’étang a été entièrement réaménagé, il y flotte un bateau en bois censé représenter la période prospère du quartier d’Atsuta, qui était autrefois l’un des 53 juku (stations) de la route Tōkaidō mais également un port. On y trouve également un musée consacre au sabre Kusanagi que je n’ai pas eu le temps de visiter, un magasin de souvenirs et surtout le fameux restaurant, avec une grande terrasse en plein air, à laquelle je m’assois pendant une bonne heure durant, écrivant quelques lignes dans mon carnet puis contemplant mon premier sceau go-shuin dans son nouveau carnet et réfléchissant déjà aux nombreuses promenades qui s’annoncent.
Balade autour de la gare de Nagoya. Dans un premier temps j’avais l’intention de faire la tournée des papeteries pour voir si le nouveau modèle édition limitée du stylo LAMY Safari Spring Green était en vente, mais il faudra apparemment encore patienter un peu. J’en profite d’être dans le coin pour jeter un oeil sur ce qu’est devenu le Meitetsu Lejac qui, comme j’en parlais ici, a fermé définitivement fin mars. Portes et fenêtres ont été scellées, le gigantesque panneau publicitaire au sommet retiré, on peut juste encore apercevoir l’une des deux mascottes du magasin, Kujakku (クジャック) représentant un paon, faisant le guignol sur l’une ou l’autre affiche.
Puisqu’on est dans la (dé)construction, je me souviens soudainement que je m’étais promis d’aller voir où en était le chantier de la future gare de Nagoya. Comme toutes les grandes gares dans le monde semble-t-il, alors que devant celle-ci beaux bâtiments et boutiques de luxe et se côtoient (ou s’entassent, plutôt), le quartier derrière la gare est très populaire, je ne dirai pas mal fréquenté, mais la clientèle n’est pas la même et il n’y a photographiquement parlant pas grand chose à y capturer et je n’y mets pratiquement jamais les pieds. Lorsque je me balade derrière la gare je regrette un peu d’avoir boudé l’endroit car le chantier semble avoir déjà bien avancé sans que je parvienne à me remémorer ce qu’il y avait à sa place auparavant ! La future gare étant perpendiculaire à la gare actuelle de grandes portions de terrains ont dû être complètement rasées, d’immenses machines forent, soulèvent et broient en faisant un bruit d’enfer. Je trouve sans grosses difficultés le Tsubaki-shinmei-sha 椿神明社, un discret petit sanctuaire dont l’autel principal a dû être déplacé parce qu’il se trouvait dans le périmètre du chantier. J’y passe quelques minutes mais le vacarme des machines alentours et la crainte de me faire écraser par l’une des poutres qui voltigent tout près dans le ciel me fait vite quitter les lieux.
Une intrigante façade aux formes asymétriques, des balcons qui semblent être comme copié-collés à l’infini. Et puis … ? Je suis sans doute passé une centaine de fois devant cette petite ruelle à sens unique de l’autre côté de l’avenue où se trouve le magasin Parco à Sakae mais je n’avais jamais remarqué l’étrange jeu de lumière qui a lieu quand le soleil haut dans le ciel frappe en biais la façade de l’immeuble de cinq étages tout en verre situé au nord du discret temple Shōmanji (勝鬘寺), puis se reflète sur le mur en béton de la propriété à côté, ajoutant par ces curieux reflets un petit plus à la simple photo ‘contraste bois-béton‘. Je suis surtout fasciné par ce phénomène qui fait que l’ombre du poteau électrique sur lequel je suis appuyé se propage sur le mur en face de moi alors que je suis pourtant déjà à contre-jour. Je ne trafique d’habitude que très peu mon appareil quand je prends des photos, mais dans ces conditions je galère avec les réglages, l’un ou l’autre flare semble inévitable.
Petite virée à Handa en fin d’apres-midi. Les travaux sont maintenant terminés, à l’approche du jour des enfants qu’est le 5 mai, les carpes volantes japonaises koinobori flottent dans le ciel le long du canal. J’aime beaucoup cet endroit car bien que la plupart des maisons et bâtiments soient en bois, leur apparence est très sobre et raffinée à la fois, comme si tout avait été minutieusement pensé.
Depuis un petit moment un son de shinobue, la petite flûte traversière en bambou jouée pendant les fêtes folkloriques, nous parvient au loin selon le sens du vent. En remontant jusqu’à sa source (telle une carpe !), nous tombons sur un cortège de chars dashi, mais malheureusement nous arrivons trop tard. La fête semble terminée, les adultes bavardent et rigolent en buvant leur bière, les enfants excités courent en tous sens.
En réalité j’étais venu au Meijō Kōen (名城公園), le large parc qui s’étend autour du château de Nagoya afin de jeter un coup d’oeil sur un complexe commercial ouvert en 2017 intitulé tonarino (トナリノ) dont j’avais vaguement entendu parler dans les médias à l’époque. Comme lors de ma visite au OTO Riverside à Okazaki je ne comprends vraiment pas ce qui se passe par la tête des gens à la tête de ce genre de projets. Sont-ils assez naïfs pour croire qu’il suffise de construire un bâtiment architectural partiellement en bois, planter quelques arbres autour pour faire ‘symbiose avec la nature’ et qu’on leur propose un Starbucks – avec terrasse, certes pour que l’endroit devienne populaire ? Ni l’architecture ni les magasins proposés n’ont quoique ce soit d’intéressant, je regrette presque d’avoir fait le chemin exprès.
Heureusement, tout n’est pas perdu. J’ai en effet aperçu en sortant de la bouche de métro une curieuse construction à deux étages dont l’étage supérieur est comme posé sur un socle formé de quatre formes rectangulaires aux façades parsemées d’ouvertures de formes carrées. Il s’agit de la Nagoya Zokei University (NZU, 名古屋造形大学), une université privée spécialisée dans le design et l’architecture, dessinée par l’architecte japonais Riken Yamamoto (山本理顕), qui en est également le doyen. Le campus se situait auparavant à Komaki, au nord de Nagoya, et vient d’aménager dans ses nouveaux locaux en 2022. Je suis fasciné par la simplicité, le côté minimaliste de la répétition des motifs et le complexe jeu de lumières que forment les trous dans le toit au fur et à mesure que le soleil monte dans le ciel. J’hésite à entrer à l’intérieur de l’université car rien qu’en faisant le tour du bâtiment je croise le regard de deux ou trois professeurs qui me regardent d’un drôle d’oeil. Je n’ai manifestement ni l’air d’un étudiant, ni d’un professeur ! Une fois rentré j’apprends qu’une visite guidée payante est possible sur réservation. Je suis plutôt intéressé mais me demande si l’on me laissera le temps de prendre des photos. On va certainement me demander pour quel support elles seront utilisées et j’ai bien peur que la sorte de portofolio que représenterait ce blog ne soit pas très convaincant.
J’écris le début de ce billet dans un café en faisant gueuler (puisque la musique de fond y est toujours trop forte) en boucle dans mon casque le transcendant black enuff, la collaboration entre les rappeurs redveil et JPEGMAFIA. Chaos total durant cent-cinquante cinq trop courtes secondes, flow énergique et énervé, basses saturées au point qu’on se demande si ce n’est pas accidentel, et ce refrain entêtant … On imagine très facilement le déchaînement de la foule au moment où le titre sera joué en concert. Je n’aurai jamais cette chance, c’est donc la fête dans ma tête qui bouge en rythme. Tout excité que je suis je suis incapable d’écrire, j’amorce une redescente en écoutant quelque chose de plus calme, l’album ‘Temperamental‘ du duo anglais Everything but the Girl, en guise d’introduction à l’écoute ultérieure de leur album FUSE qui vient de sortir récemment après un blanc de 24 ans dans leur carrière, et dont le premier single ‘Nobody knows we’re dancing‘ est très prometteur.
L’art de rue. Qu’il s’agisse de danseurs révisant en groupe leurs chorégraphies, de peintures murales ou de graffitis en guise de logo de magasin, dans les quartiers d’Osu et Sakae l’art est partout quelque soit l’heure ou le jour où l’on vienne. Il serait prétentieux de parler d’art mais je continue à prendre en photo les devantures de magasins et surtout les arrangements de pots de fleurs et autres plantes devant les maisons. Je ne peux m’empêcher de croire que leurs propriétaires les ont posé là en pensant au moindre détail, changeant leur ordre et leur disposition, reculant de quelques pas, contemplant leur ‘oeuvre’ et chuchotant ‘Oui, c’est bien mieux comme ça !‘ Je me demande s’ils se doutent un instant qu’un parfait inconnu va les prendre en photo, je suppose que non.
J’ai été très affairé le week-end passé et pour une fois j’étais presque content qu’il pleuve. Je zappe en effet entre la retransmission en direct de la course de trail Istria 100 qui se tient en Croatie (Kimino Miyazaki première femme sur la 168km!) et le festival de musique Coachella qui a lieu du 14 au 16 et du 21 au 23 avril en Californie. Parmi la multitude de noms d’artistes plus ou moins connus les noms de Björk, Marc Rebillet, Chemical Brothers, Gorillaz et Kaytranada ont retenu mon attention. Je suis plutôt déçu par le set de Kaytranada, le mix contenant de nombreux classiques est de très bonne qualité mais il ne se passe pratiquement rien sur scène, on a l’impression de juste écouter un cd. La mise en scène de Chemical Brothers est par contre comme toujours incroyable avec ces animations gigantesques, on en prend plein les yeux. Il est juste dommage que la qualité du son sur Youtube soit plutôt médiocre, sur la longue les aigus me vrillent le cerveau. Et puis il y a la fougue de Marc Rebillet, en peignoir de bain comme d’habitude, en transe, détruisant la moitié de son décor et courant en tout sens comme un gosse mal élevé. Sa capacité à faire un morceau de 5 minutes sur une boucle improvisée assez stupide pour qu’il en rigole lui-même, me fascine. Il faudra vraiment que j’aille voire ça si il passe au Japon.
Depuis les retransmission hebdomadaires des concerts de Sakanaction sur Youtube j’ai pris l’habitude de suivre distraitement le chat lors de ce genre d’événements car cela donne quelque part l’impression d’être dans la foule. Malheureusement celui-ci était perpétuellement envahi de messages de fans du groupe de k-pop Black Pink du genre ‘Black Pink meilleur groupe au monde!’ et autres lignes entières d’emoji de coeurs noirs et roses, le tout alors que le live n’avait lieu que le lendemain. J’ai plutôt été choqué par le niveau de médiocrité des fans et contraint de quitter le chat sous peine de devenir fou.
Le titre de ce blog me remémore l’album du même nom du groupe de rap marseillais Fonky Family sorti en 2001. Ou disons que son titre était inscrit quelque part dans mon subconscient et a soudainement surgi sans crier gare à l’évocation de l’assemblage des termes ‘art’ et ‘rue’. Pour la peine je me réécoute l’album vite-fait mais comme à l’époque je n’accroche pas du tout. Le flow est bon mais les textes contiennent trop d’ego-trip et je me lasse rapidement. De fil en aiguille les logarithmes de Youtube m’amènent à écouter l’émission spéciale dédiée à la Mafia K’1 Fry en direct des anciens locaux du Tati Barbès, à Paris. C’est très amusant parce que j’ai habité pendant deux ans à 50 mètres de là, de 2004 à 2006, juste avant de venir au Japon. Une fois encore l’écriture de ce blog me donne l’occasion de découvrir de nouvelles choses, mais aussi de plonger dans mes souvenirs …
Le parc Legoland Japan a ouvert le 1er avril 2017 et je suis moi-même étonné du temps qu’il nous aura fallu pour enfin nous décider à nous y rendre alors que je suis pourtant plutôt fan de la marque qui m’a valu de nombreux bons moments étant enfant – et même en tant qu’adulte, en construisant diverses choses avec mes enfants. En réalité, quand le parc n’en était encore qu’au stade de projet j’avais très sérieusement envisagé d’y travailler, et en parallèle postulé à une place au Legoland Discovery Center Tokyo, mais je n’ai jamais été (re)contacté. Tant pis ? Tant mieux ? Comme souvent, on ne le saura jamais.
Le plus important, c’est que Louis soit ravi de la sortie. Bien que nous ne soyons un jour de semaine et que les vacances n’aient pas encore commencé le parc grouille de monde. Il faut attendre entre trente minutes et une heure pour faire un un tour de manège qui ne fait que parfois qu’une minutes ou deux, mais nous prenons notre mal en patience et bavardons de choses et d’autres en faisant la queue. Le parc ferme à 16h, le temps est précieux. Nous avons eu la bonne idée de manger avant d’entrer dans le parc, ce qui nous permet de ne pas perdre une heure à l’entrée d’un restaurant bondé au menu hors de prix pour une qualité probablement quelconque. Comme il fait beau temps les attractions en rapport avec l’eau sont particulièrement agréables, les enfants s’éclaboussent de jets d’eau en criant et riant à gorge déployée. Dans l’ensemble le parc me semble plutôt destiné aux enfants jusqu’à 12-13 ans, je suis content que Léo, tout le temps de mauvaise humeur ces derniers temps, ne soit pas là, nous l’aurions entendu râler toute la journée à cause de la chaleur, du monde, du temps à attendre. Nous le perdons ainsi peu à peu, une journée comme aujourd’hui avec Louis n’en est que plus précieuse encore.
Je suis plus attiré que je ne l’aurai pensé par le partie Miniland du parc, où sont exposées des miniatures de monuments et paysages japonais célèbres. On peut y voir les reconstitués les bâtiments historiques tels que le château d’Himeji, le Kiyomizu-dera, le pavillon d’or Kinkaku-ji ou Heian–jingū à Kyoto ou encore le torii devant l’île de Miyajima, mais aussi les principaux symboles des villes comme Kobe, Kyoto, Osaka, Tokyo et bien sûr Nagoya. La taille des monuments, le souci du détail, les petites touches humoristiques, le nombre de pièces et d’heures de travail donnent le vertige.
Le bâtiment que l’on peut apercevoir au loin sur la première photo est le Nagoya Congress Center, un centre de congrès polyvalent situé au sud de la Nagoya. Le centre a été construit pour l’Exposition mondiale du design, ‘Design-Haku’ (世界デザイン博覧会), qui s’est tenue à Nagoya en 1989. En fait je triche un peu puisque ces photos ont été prises l’année dernière à la même date à quelques jours près. Je finissais alors ma visite du Parc Shirotori, j’avais encore un peu de temps de libre et pensais jeter un oeil sur le Congress Center que je n’avais jamais visité. En me baladant dans le petit parc qui sépare les deux endroits je suis aguiché (décidément!) par des voix et des cris provenant du stade de baseball sur ma droite. J’entre à l’intérieur, un match opposant deux équipes amateurs s’y déroule. Je m’assois un instant dans les gradins presque vides, le match est sans grand intérêt mais le temps bien agréable.
J’évite le sujet afin de ne pas me faire des ennemis au travail (rires) mais je n’ai absolument aucun intérêt pour le baseball, pourtant probablement le sport le plus populaire au Japon même si depuis une décennie le foot est parvenu à se faire une place dans le coeur des japonais grâce aux prouesses de son équipe nationale. J’ai été voir pourtant deux ou trois matchs des Chunichi Dragons, l’équipe professionnelle de Nagoya. L’ambiance est sympa, ça chante, ça crie, le tout dans une ambiance bon enfant, mais les matchs sont interminables, les cassures, les temps-morts, les feintes tout le temps, la totale absence de rythme … déjà que je m’ennuie sur place, alors je n’ose pas imaginer ce que cela donne à la télé ! Je dis cela parce qu’à l’heure où j’écris ces lignes la finale des World Baseball Classics (sorte de Coupe du Monde de Baseball ?) a lieu entre les USA et le Japon, mais cela ne me laisse ni chaud ni froid. Assis à la terrasse d’un café des cris proviennent régulièrement de la résidence en face, la plupart des personnes fixent leurs portables et la serveuse ne peut s’empêcher de lorgner le sien entre deux commandes. Tout est si paisible.
Le bâtiment de la première photo, le department store Meitetsu Lejac, va être démoli à la fin du mois. Ouvert en 1972 à deux pas de la gare de Nagoya il s’agit aujourd’hui quelque part d’un symbole du quartier, mais mis à part le MacDo au premier étage je n’y ai jamais mis les pieds. Des soldes ont lieu avant la fermeture mais cela ne m’intéresse pas non plus. Peut-être le regretterais-je plus tard ? Je n’en sais rien. Autant l’extérieur d’un bâtiment, ses courbes, la répétition de motifs ou même un détail de sa façade peut attirer mon attention ou me fasciner, autant l’intérieur me laisse de marbre. Le principal intérêt de cet immeuble n’a toujours été à mes yeux que son emplacement, ces curieux losanges que forment sur ses parois la lumière du soleil se reflétant sur les panels du Mode Gakuen Spiral Towers situé en face. J’ai pris de par le passé cette même photo plus d’une dizaine de fois mais les formes ne sont jamais identiques. Cela semblera exagéré de dire cela, mais m’être rendu compte de ce ‘phénomène’ a complètement changé ma vision de l’architecture et de la photographie, comme si mon oeil et ma vision des choses avaient évolués par son biais.
Je quitte les lieux en me demandant à quoi ressemblera le bâtiment qui prendra sa place et si les personnes en charge de sa construction auront conscience de la (toute relative) magie du lieu et sauront en tirer avantage. Je poursuis ma balade, obsédé toujours par les ombres et les reflets. Il est amusant de se dire que ces détails dans la ville n’auraient sans doute jamais attiré mon attention si je ne rédigeais pas ce blog. Ecrire me permet en quelque sorte de canaliser mes idées que j’éparpillais avant sur des feuilles volantes.
Pendant ma balade ‘Nothing is still’ (2018), l’album de Leon Vynehall s’écoule dans mon casque. Cet album tranche très distinctement avec ses albums précédents, plus orientés deep house, que j’ai écouté par la suite sans y trouver la même intensité. Dans la manière dont l’album s’écoute non pas morceau par morceau mais comme une oeuvre à part entière il me remémore l’album Virgins (2013) de Tim Hecker (et surtout le très obsédant titre Virginal II ) dont je pense retrouver certaines influences même si cet album est moins sombre et malade que ce dernier, et les premiers albums de Nicolás Jaar ‘Space Is Only Noise (2011)’ ou encore ‘Nymphs (2016)’ et son somptueux titre ‘Swim‘, dans le côté minimaliste et régulier de leurs musiques, que je ressens à ce moment comme étant le coeur battant de la ville. A l’écoute de Nothing is still les objets et les gens me semblent envoûtés par la musique de Vynehall et bouger au ralenti, comme pour mieux me laisser les capturer.