Le temps, pour un mois de mars, est exécrable, et le climat me semble complètement détraqué. Quand il ne pleut pas, il souffle un vent d’une violence inouïe. La température grimpe et baisse de dix degrés du jour au lendemain, il y a quelques jours il a même neigé quelques flocons. Dans ces conditions, tant bien même les fleurs de cerisiers sont elles écloses qu’il est impossible d’en profiter pleinement. Au moindre rayon de soleil j’en profite donc pour me ruer dehors et voir où en est la progression, et me balade pour ce faire cette fois-ci autour du quartier de Sakae. Selon la variété d’arbre l’éclosion est plus ou moins avancée et la palette de couleurs des fleurs varie du rose pastel au rose vif, mais il ne s’agit que d’arbres dispersés par-ci par-là, les beaux jours où les gouttes de pluie seront remplacées par les pétales voltigeant dans le vent semble encore bien lointaine.
Balade à Sakae en longeant Hisaya-Odori, la voie principale. Mon regard est aujourd’hui attiré par la Nagoya Tower et les curieuses antennes sur les toits des deux immeubles de l’opérateur mobile NTT DoCoMo, qui me font penser aux pagodes à cinq étages des temples japonais. Je me demande bien si cette ressemblance est voulue.
Le premier titre, in Your Eyes, sur lequel les rappeurs Danny Brown et Slowthai posent chacun un couplet, peut être étonnant pour ceux qui n’ont pas suivi des près le parcours de ‘Dom‘ en solo ces dernières années, mais c’est en fait tout à fait dans la lignée de Feel away produit pour Slowthai ou le sublimement psychédélique remix du titre ‘Palaces’ de Flume, notamment avec cette rupture en milieu de morceau qui vient le scinder en deux. C’est un bon titre, mais sans plus, il me faudra encore un peu de temps avant de m’habituer au fait que Mount Kimbie produise du ‘hip hop alternatif’, sans doute parce que j’ai l’impression que les parties rapées ‘gâchent’ en quelque sorte les productions, comme si celles-ci empêchaient d’apprécier les nombreuses nappes musicales pourtant travaillées de chacun des titres.
‘A deities encore‘ est plus proche de ce que l’on a l’habitude d’entendre et de ce que à quoi je m’attendais chez Mount Kimbie. Le titre me fait penser a du Teebs (un titre comme Black Doves avec la chanteuse Sudan Archives – que l’on a récemment pu voir en live dans l’émission Chambre Noire de Radio Nova). La lenteur de ce titre par rapport au titre précédent me donne l’impression d’une introduction de film ou quelque chose dans le genre, j’y vois bien des gens défiler au ralenti … La construction aurait été plus solide en mettant ce titre en première position, surtout avec cette belle fin flottante et mystérieuse qui semble amener vers ‘autre chose’.
Avec les deux titres de Kai Campos ‘Q‘ et ‘Quartz‘, on change complètement de style et on entre à mon goût dans le vif du sujet. Kai Campos officie depuis plusieurs années en tant que DJ et on y ressent clairement l’influence électro et techno. ‘Q‘ a dans ses battements de tambours quelque chose de tribal et d’enivrant, des sons s’ajoutent peu à peu, le son prend de l’épaisseur et change continuellement par petites touches pour finir abruptement. ‘Quartz‘ est carrément techno au début avec ses hi-hats bien placés mais plus froid dans ses textures, sans montée et sans exultation, comme si un panne d’électricité avait fait se couper le son et plongée dans le noir la salle que balayaient il y a un instant encore les lasers lumineux verts et violets.
J’aime assez la différence de style dans les deux titres de chacun des protagonistes, même si j’ai tendance à davantage écouter les deux titres de Campos. Je me demande à quoi va ressembler le prochain album, ‘MK 3.5: Die Cuts | City Planning‘ annoncé pour le 4 novembre prochain, et s’ils seront en mesure de mixer ces deux genres de manière compréhensible. En attendant, le duo nous fait le plaisir de revenir une fois par mois sur la radio en ligne NTS.
Bien que quatrième ville la plus peuplée du pays avec ses 2.3Mio. d’habitants, la notoriété de Nagoya est moindre comparée à des villes connues dans le monde entier telles que Tokyo, Yokohama ou Osaka, et peu de japonais sont capables de citer plus de deux ou trois endroits à visiter en dehors de son château. J’ai moi-même mis du temps avant de réaliser que Nagoya n’était pas une destination en soi, mais plutôt une porte d’entrée vers d’innombrables lieux touristiques situés dans la région Chubu dont je tente de parler dans ce blog. Il n’empêche que Nagoya va tenter dans les années à venir de se forger une réputation de métropole internationale à travers de nombreux projets et ce dans des domaines variés : L’ouverture du Parc Ghibli en fin d’année, du plus grand campus de startups en Asie Station Aien 2024, les Asian Games en 2026 ou encore les débuts de la ligne Maglev en 2027, pour n’en citer qu’une infime partie.
A l’image du mythique Chunichi Building ci-dessus, construit en 1966 et à la terrasse duquel je participais à mon premier Beer Garden il y a de cela dix ans, comme aux alentours de la gare de Nagoya de nombreux bâtiments sont en cours de rénovation ou de construction dans le quartier de Sakae. Le groupe hôtelier Hilton vient également d’annoncer la construction d’ici 2026 d’un hôtel de sa marque Conrad, le troisième hôtel au Japon après Tokyo et Osaka, juste de l’autre côté de l’avenue où le Chunichi Building se refait une beauté. Je songe à répertorier ces projets et les suivre au fur et à mesure …
Malgré la chaleur je redescends à pieds l’avenue Hisaya-Odori, l’artère principale qui relie Sakae à la gare de Kanayama, jusqu’à hauteur de Yaba-cho. Entre deux immeubles, je m’engouffre dans un étroit coin de verdure que je n’avais jusqu’ici jamais remarqué. Il s’agit du temple Seijo-ji (清浄寺), dont la surface s’étend sur une longueur d’à peu près 100 mètres pour 5 mètres de largeur environ. Seule l’enceinte principale offre un espace assez conséquent pour y placer un banc. Si j’aime les bâtiments nouveaux et stylés, j’espère sincèrement que cesîlots de fraîcheur, dont tout le monde parle en France alors que surgit la vague de canicule, seront préservés à l’avenir.
Je me balade au hasard entre Osu et Sakae. Soudain, au coin d’une rue se dresse majestueusement un groupe d’arbres gigantesques qui cachent facilement l’appartement de cinq ou six étages situé derrière. L’écriteau au seuil de la butte n’indique malheureusement pas de quel type d’arbres il s’agit, mais j’y apprends que je suis aux pieds d’un kofun érigé il y a plus de 1500 ans. Sous la période Edo, ce coin de verdure est en fait une partie des 600 tsubo (2,000 m²) de l’arrière-cour du temple zen Seiju-in. Le temple sera par la suite détruit mais l’endroit conservé, et devient en 1879 le parc Namikoshi, dont il garde le nom aujourd’hui. De manière tout à fait étonnante il s’agissait manifestement du premier parc public de la ville de Nagoya. Suite à l’inauguration de l’immense parc Tsurumai en 1910, l’endroit se voit peu à peu déserté par ses visiteurs et entouré d’immeubles pour prendre sa forme actuelle.
Une fois rentré je cherche un peu sur internet et y trouve de vieilles photos du parc. Les histoires de châteaux féodaux, temples et autres sanctuaires m’intéressent et j’en ai visité quelques uns avec grand intérêt en m’imaginant batailles engagées et moines affairés trottinant dans les allées, mais j’ai été moi-même étonné par l’émotion ressentie à la vue de ces photos.
Je ne sais pas si c’est spécifique à la ville de Nagoya, mais les parcs, les petits squares et les rangées d’arbres le long des avenues y sont omniprésents où que l’on aille. Je me retrouve souvent sans m’en rendre compte en train de les photographier, cela en devient un thème récurrent.