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architecture/livres/Nagoya

‘Allons au Château-Rouge, ou au château d’eau’ – Chikusa-ku, Nagoya

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Higashiyama Water-Supply Tower
appartement envahi par les plantes
reflets des arbres dans une vitre
gros plan immeuble
gros plan appartement
gros plan appartement

Balade de deux heures, autour de midi, dans le quartier de Kakuо̄zan à Nagoya, non loin du temple Nittai-ji et de la Résidence Yōki-sō, que je revisiterai sans doute quand l’automne, le vrai, celui avec ses feuillages rougeâtres, sera là. J’ai pour l’occasion ressorti mon téléobjectif Nikon 200mm que je n’utilise pratiquement plus depuis que j’ai anéanti mon 300mm il y a trois ans déjà, le 200mm étant insuffisant pour photographier de manière satisfaisante les avions éloignés à l’aéroport. Je regrette de ne pas l’avoir utilisé en ville plus tôt, car la promenade a été très satisfaisante, surtout que je m’étais dit que j’allais dans la mesure du possible prendre tout mon temps, m’arrêter quand cela serait nécessaire afin de regarder tout autour de moi, quitte à attendre parfois un instant que se présente à moi quelque chose venant pimenter la photo, au lieu d’avancer hâtivement comme d’habitude en en ratant la moitié.

Je pars de Shōwa Jukudō, fais un court passage au Nittai-ji et prolonge la balade jusqu’au château d’eau de Higashiyama (東山給水塔), que l’on voit sur la première photo. D’une hauteur de près de 38 mètres, il a été construit en 1930. Utilisé jusqu’en 1973, il est depuis 1979 entretenu en tant que réserve d’eau en cas de sinistre causé par une catastrophe naturelle. Il semblerait qu’il soit ouvert au public deux fois dans l’année, mais l’intégralité du site est sujet à d’importants travaux. Une fois n’est pas coutume je ne peux m’empêcher de me dire qu’il serait amusant de faire le tour de tous les château d’eau de Nagoya et sa région, et je ne suis absolument pas surpris de constater que le site internet du Nihon Kyūsui-tо̄ (日本給水党, le ‘Parti de l’approvisionnement en eau du Japon’, jeu de mot entre les deux idéogrammes japonais ‘parti’ et château’ qui se lisent tout deux tо̄) répertorie ceux-ci à travers le pays. Et bien évidemment, comme c’était le cas pour les ‘les toboggans Fuji-san à Nagoya‘, son auteur – le président du parti, a publié un superbe livre illustré sur le sujet. Je suis admiratif de ces personnes qui parviennent à mener à bien leur projet, et ce quel que soit le sujet traité. En ce sens nous vivons une époque formidable où tout est possible.

architecture/livres/Nagoya

‘Marche à l’ombre’ – Atsuta-Jingū, Atsuta-ku, Nagoya

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Fin juillet. Il fait atrocement chaud mais je refuse pour autant de rester enfermé. Je trouve ainsi refuge parmi les nombreuses vastes allées ombragées par d’immenses arbres qui me semblent millénaires, au sein du sanctuaire Atsuta-jingū (熱田神宮), situé au sud de Nagoya.

Le sanctuaire Atsuta Jingū (sanctuaire d’Atsuta), est l’un des centres de culte les plus importants du Japon avec ses près de 9 millions de visiteurs par an. Construit sous le règne de l’Empereur Keikō (73-130), ce qui en fait l’un des plus anciens lieux de culte du Japon, il est dédié à la déesse du soleil Amaterasu, la plus sacrée du panthéon shintō. Le sanctuaire aurait été construit pour accueillir notamment le Kusanagi no Tsurugi (草薙の剣), le ‘sabre faucheur d’herbe‘ qui aurait été offert par cette même déesse à ses descendants, la famille impériale du Japon. Le sabre est l’un des trois trésors sacrés du Japon, avec le miroir de bronze Yata-no-Kagami qui repose au sanctuaire d’Ise dans la préfecture de Mie, et le bijou Magatama, conservé quant à lui au Palais Impérial de Tokyo. Ces trois reliques ne sont visibles que par quelques privilégiés, l’empereur et quelques prêtres de très haut rang.

Je me dirige sans trop réfléchir, comme attiré peut-être, vers le sanctuaire principal où je suis me suis rendu une demi-douzaine de fois de par le passé. Nous sommes bien loin de la foule qui s’y rue autour du Nouvel An, à peu près la moitié des visiteurs me semblent être étrangers. Juste après m’être levé les mains au chōzuya, je suis fasciné par un gigantesque camphrier. Il porte autour du tronc, qui fait plus de 7 mètres de diamètre, une banderole de papier plié en forme d’éclair signifiant qu’il y demeure une divinité. Faisant plus de 20 mètres de haut, partiellement recouvert de mousse, avec ses branches se tortillant vers le ciel et ses jeunes pousses faisant irruption des ses propres racines, il a effectivement quelque chose de solennel. Si j’avais bien entendu remarqué cet arbre majestueux auparavant, je lui porte cette fois une attention toute particulière après avoir justement fini de lire le livre de l’écrivain à succès Keigo Higashino (東野 圭吾), クスノキの番人 (The Camphor Keeper), dans lequel un camphrier magique a le pouvoir d’emmagasiner les voeux de ceux qui viennent y prier afin d’être transmis d’une génération à l’autre au sein d’une même famille. L’intrigue a un peu du mal à se mettre en place, avec ses 483 pages le livre est un poil trop long, mais dans l’ensemble je l’ai trouvé agréable à lire et je dois avouer avoir été surpris par le dénouement. Comme le trio d’arbres géants à Osu dont j’ai déjà parlé plusieurs fois dans ces pages, les camphriers ont vraiment quelque chose d’enchanteur et de prodigieux.

C’est donc dans cet état d’esprit un peu mystique que j’atteins le sanctuaire principal. Après avoir effectué une prière je traine autour du comptoir où sont vendus les amulettes porte-bonheur o-mamori. Du fond de la cour un jeune prêtre de grande taille tout vêtu de blanc s’avance à grands pas vers l’un des guichets et s’y assoit, et bientôt une file d’attente d’une dizaine de personnes se forme. Il s’agit de la personne qui écrit les ‘go-shuin’, les sceaux donnés aux fidèles et aux visiteurs des sanctuaires shintoïstes ou dans les temples bouddhistes au Japon. Les sceaux sont souvent rassemblés dans des carnets en papier cartonné appelés shuin-chō qui sont vendus dans les sanctuaires et les temples. En réalité cela fait plusieurs années que je pensais m’en procurer un, j’attendais soit un coup de coeur, soit d’avoir l’occasion d’aller au Hikouki-jinja (飛行機神社), le sanctuaire dédié à l’aviation situé à Kyōto pour mettre la main sur le sublime carnet violet élaboré en collaboration avec la compagnie aérienne japonaise ANA. Celui d’Atsuta-jingū, de couleur vert sapin, avec sur la couverture un badge héraldique goshichi-kiri-mon (五七桐紋) et à l’arrière l’inscription Atsuta-Jingū en lettres dorées, est bien sobre, mais à quoi bon attendre ? Sans trop réfléchir je m’approprie mon premier shuin-chō et y fait inscrire mon premier go-shuin. Voilà encore une occasion supplémentaire de voyager a travers le pays …

Toujours sur mon petit nuage je reviens sur mes pas pour faire un tour à la nouvelle aire de repos Kusanagi Hiroba (くさなぎ広場), entièrement réaménagée puis ouverte au public en juillet 2021, et dont j’avais vu quelques photos dans le magazine d’architecture Shin-kenchiku du mois de mai. Je peine à me souvenir à quoi ressemblait l’endroit auparavant mais il me semble que l’entrée qui menait sur l’étang était discrète et que le petit restaurant où l’on pouvait déguster de délicieux plats de nouilles plates kishimen en surplombant l’étang n’avait lui non plus rien de particulier. Cette discrétion avait son charme, comme si connaître son existence donnait à lui seul l’impression d’être un initié, ce qui n’est pas rien étant donné la nature spirituelle du lieu. Economiquement parlant ce système n’est bien entendu pas viable, et les promoteurs ont vu grand pour cette rénovation. L’étang a été entièrement réaménagé, il y flotte un bateau en bois censé représenter la période prospère du quartier d’Atsuta, qui était autrefois l’un des 53 juku (stations) de la route Tōkaidō mais également un port. On y trouve également un musée consacre au sabre Kusanagi que je n’ai pas eu le temps de visiter, un magasin de souvenirs et surtout le fameux restaurant, avec une grande terrasse en plein air, à laquelle je m’assois pendant une bonne heure durant, écrivant quelques lignes dans mon carnet puis contemplant mon premier sceau go-shuin dans son nouveau carnet et réfléchissant déjà aux nombreuses promenades qui s’annoncent.

livres/musiques/vie quotidienne

‘If you’re going, to San Francisco …’ – No music, no life (mai-juin 2001)

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2001. Interminable et pénible séjour de deux mois dans la jolie ville de la chanson édulcorée par Scott McKenzie. Il me faut une heure en bus pour me rendre à mon lieu de travail, à San Carlos. Pour décor de l’asphalte et du sable. Pour fond sonore des hispaniques qui s’engueulent ou un noir dans la soixantaine qui m’explique que la guerre c’est moche, mais que Dieu existe quand même. Il fait une chaleur insupportable, les gens sont cinglés. Ah, l’Amérique !

Mes pieds me traînent complètement par hasard au Amoeba Music Store. Si je me souviens comme si c’était hier m’être jeté sur Metal Blue America de Ken Ishii, hors de prix en import en Europe, le hasard qui m’a poussé à m’emparer de l’album Confield d’Autechre est un mystère. La pochette ? Le prix ? Ecouter Autechre, que ce soit en 2001, probablement avant, et même aujourd’hui, c’est un peu comme écouter Music for Airports de Brian Eno il y a 20 ans. C’est classein et underground à la fois, avec des gens qui prétendent apprécier Autechre mais se chamaillent à propos de la prononciation du groupe.

Dans le bus j’écoute désormais Confield et ne m’en lasse pas, cet album m’empêche de devenir fou. Afin de ne pas se faire happer par l’environnement alentour, dés les premiers sonorités de ‘Vi Scose Poise’ mon cerveau reboote puis tente tout le long de l’album de se synchroniser aux sons et aux rythmiques évoluants continuellement. N’arrivant pas à suivre et encore moins à analyser ce qui vient le le titiller de la sorte, celui-ci rame et tourne au ralenti pour le restant de la journée. Chaque matin après ma dose je suis un peu groggy mais serain, mes facultés sont suffisantes pour accomplir mes tâches qui sont sans grand intérêt. 

Je suis fauché, je ne connais personne et le quartier n’est pas sûr. Le soir dans ma chambre d’hôtel je n’ai rien d’autre à faire que de lire l’énigmatique et profonde oeuvre de Gao Xingjian, la montagne de l’âme, que m’a offerte ma copine avant mon départ, ou bien écouter l’album Beyond Skin de Nitin Sawhney dont je me suis emparé par erreur, confondant bêtement son auteur avec son compatriote Talvin Singh. L’écoute de ce bel album aux ambiances variées m’emmène une heure durant loin d’où je suis. Et le lendemain tout recommence.

Je reviens de ce séjour avec une certaine amertume et quatre cd’s qui m’auront chacun imprégné à sa manière. Le quatrième est Flatspin de Ken Ishii. Mon titre préféré y est Mirage, petite et unique bouffée d’oxygène au sein de cet album techno sans faute dans la continuité de Sleeping Madness. Quand je l’écoute aujourd’hui, le long son aigu que l’on n’entend distinctement qu’en deuxième partie du morceau me fait penser aux sirènes des voitures de police que j’entendais à San Francisco.

aviation/livres

Furu-hon, vieux livres @ Nagoya, Naka-ku

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Mon premier contact avec les livres anciens remonte à quelques années. Je sors de l’ambassade du Luxembourg située à Ichigaya et décide comme souvent de me balader au hasard dans les rues de Tokyo. Au fur et à mesure que je marche je suis intrigué par le nombre croissant d’enseignes ‘shoten‘, c’est à dire librairie. Je venais de découvrir le quartier de Jimbocho, réputé pour ses librairies de livres d’occasion. J’étais entré dans deux-trois établissements et avais trouvé la première traduction en japonais de ‘la cantatrice chauve’ d’Ionesco. J’étais à l’époque encore taraudé par la question ‘l’humour peut-il être traduit ?’, et à la lecture de quelque pages j’étais convaincu que je tenais dans mes mains une bonne preuve que cela n’avait rien d’évident …

L’association des bouquinistes (traduction très approximative) regroupe les bouquinistes de Nagoya et de sa région et compte 93 librairies. La vague de froid passée le temps est splendide, j’organise vite-fait une promenade partant du Parc Tsurumai vers Osu. Depuis quelques mois je suis intéressé par l’histoire de l’aviation au Japon. Si le développement de l’aéronautique dans la période d’après-guerre est particulièrement intéressant, le fait que le pionnier de l’aviation japonaise, Chūhachi Ninomiya, ait élaboré dés 1891 et donc bien avant frères Wright son ‘modele d’avion de type oiseau‘ a été une révélation. J’ai emprunté le peu d’ouvrages que contiennent les bibliothèques alentours sur ces sujets mais leur contenu très dense fait que la lecture prend du temps. Peut-être les retrouverais-je regroupés chez les bouquinistes ?

Je commence mes investigations par Yamahoshi-shoten, tout près de la gare de Tsurumai. Quel bonheur de n’être entouré que de livres ! Les étagères dégoulinent d’ouvrages, il y en a tellement que certains sont stockes à même le sol. Si les sujets traités sont vastes il ne semble pas y avoir de classement cohérent, c’est à peine s’ils sont regroupés par thèmes. Le seul personnel présent est très affairé et fait comme si je n’étais pas là. L’homme, à peine plus âgé que moi, est bien plus jeune que ceux que l’on penserait trouver dans ce genre d’endroit mais il se déplace en marmonnant et je l’entends râler quand il fait avec grand bruit tomber une pile de livres. Je l’interromps pour lui demander s’il a en stock quelque chose qui pourrait m’intéresser, mais comme je m’y attendais et comme ce sera le cas pour la plupart des établissement suivants, la plupart les ouvrages ne traitent que de l’aviation japonaise en période de guerre. Il n’y en a que pour le fameux Zero-sen !

On entre dans Iijima shoten comme dans un moulin. Le vieil homme assis derrière son bureau m’a bien vu mais m’ignore complètement, l’endroit est tellement silencieux que je n’ose même pas le saluer. Même désordre, mais principalement des ouvrages littéraires qui me sont complètement inconnus. ‘Ah ! C’est monté à 24 %’ s’exclame l’homme soudainement. Sa femme lui répond au loin, je n’ai aucune idée d’où elle se trouve. Plus que sur les ouvrages alignés en vrac dans les étagères, mon intérêt se porte bientôt sur leur conversation à propos des chiffres de la bourse qui me donne un élément de réponse à une question que je me suis posé dés ma sortie de la première librairie : ‘Comment cette affaire peut-être elle rentable ?’

Parmi les trois librairies visitées autour du carrefour Kamimaezu tout près d’Osu, Kaiseido-shoten est la librairie la plus grand public. On ne m’a pas laissé prendre de photos à l’intérieur mais on y trouve de vieilles revues et des livres de sport, de musique et hobbies divers. J’ai fini par y trouver quelques ouvrages interessants mais comme je me rends à Osu assez régulièrement je me suis contenté d’un bouquin de 200 pages à propos de l’histoire du Koken-ki (Long range mono plane), cet avion fabriqué dans les années 1930 et détenteur du record du monde de distance parcourue (11.651km en circuit fermé) en 1938.

écriture/livres/vie quotidienne

‘I didn’t wanna self destruct…’ @ Nagoya Minato-ku

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Le choc ressenti lorsque je suis retourné à Paris après plusieurs années au Japon en empruntant le RER B partant de l’aéroport Charles de Gaulle. Au fur et à mesure que l’on s’approche du centre de la capitale les graffitis sont de plus en plus nombreux et agressifs, plus le moindre espace vide. Je me souviens m’être demandé comment Michel Butor (※) aurait 50 ans plus tard décrit cette vue dans une version moderne de ‘la modification‘ que je venais de lire à l’époque, et quelle est la première impression qu’elle procure aux touristes, et particulièrement aux japonais alors que l’art du graffiti est quasiment inexistant au Japon, ou du moins à Nagoya.

Les personnages que l’on trouve parfois dessinés sur les pans de murs sont trop maladroits et mignons pour être considérés comme étant des graffiti. J’ai même du mal à imaginer qu’ils aient pu être dessinés par un adulte ou même un adolescent.

Les photos ci-dessus ont été prises dans Minato-ku, au même endroit que cette série-ci. J’aime le côté étroit et bordélique mais malgré tout propret de ce quartier où destruction est synonyme de renouvellement. Une simple modification, en somme.

 

 

(※) En bas de page de ce lien on pourra lire en ligne les 20 premières pages de ‘la modification’. Je n’aime d’habitude pas particulièrement les longues phrases descriptives, mais ici, la précision, le détail, le réalisme des descriptions donnent le sentiment d’être au centre du roman, dans ce wagon quittant Paris. J’en feuillette régulièrement quelques pages au hasard pour me souvenir à quel point écrire peut être beau quand on s’y applique.

architecture/livres

Évasion – 現実逃避

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La gare d’Otagawa se situe à mi-chemin entre Nagoya et Centrairl’aéroport international de Nagoya. Alors qu’il s’agissait d’une minuscule gare jusqu’à son réaménagement il y a quelques années, avec son imposante construction sur trois niveaux elle est maintenant la gare principale de la péninsule de Chita.

Les photos ci-dessus ont été prises le week-end dernier, en pleine Golden Week, la période de grande transhumance, peu après midi. Normalement à cette période tout le monde se marche sur les pieds sur les plate-formes pleines à craquer de voyageurs qui s’apprêtent à prendre l’avion et les personnes en congé qui vont se balader à Nagoya. Je ne rencontre cependant aucune difficulté à prendre des photos sans âme qui vive. Mon appareil à la main j’ai l’impression de participer à un événement de pré-ouverture de l’établissement où seuls les médias auraient accès.  Alors que malgré les restrictions les magasins et restaurants autour de chez nous sont à peine moins remplis que d’habitude, les transports en communs sont vides. Afin d’éviter les contaminations tout le monde semble se déplacer en voiture, raison pour laquelle la Meitetsu, la compagnie qui gère les lignes ferroviaires dans les préfectures d’Aichi et Gifu a réduit son nombre de mouvements de trains journaliers.

Selon le train que je prends il me faut soit 15 soit 30 minutes pour me rendre à l’aéroport mais je prends volontiers le train le plus lent. Avec tout le monde à la maison depuis plus d’un mois, le trajet pendulaire est à peu près mon seul moment de calme dans la journée. Depuis quelques jours j’y lis Fish Story (フィッシュストーリー), le recueil de nouvelles de Kôtarô Isaka. Isaka est un auteur vers lequel je reviens fréquemment. Il parvient toujours à mettre en scène de manière très efficace des histoires extraordinaires sans avoir recours à de longs préambules ou des formulations assommantes. J’ai récemment appris que quelques unes de ses oeuvres sont traduites en français par Corinne Atlan chez Picquier. J’ai trouvé cela amusant puisqu’on lui doit également la plupart des traductions des livres de Haruki Murakami alors que j’ai toujours trouvé qu’il y avait une certaine ressemblance entre ces deux auteurs. Alors que depuis quelques années l’ego démesuré et les histoires finalement toujours à peu près identiques dans leur structure de ce dernier me repoussent, les bouquins d’Isaka me plongent immédiatement dans son univers.

J’oublie tout l’espace d’une demie-heure. L’évasion, l’échappement, c’est exactement ce dont j’ai besoin en ces moments troubles. En japonais on dit ‘genjitsu-touhi‘ ( 現実逃避 ) littéralement ‘la fuite de la réalité‘. Les photos de ce billet me semblent de toute manière irréelles.

livres

Un livre délivre (1) ‘La papeterie Tsubaki’- Ito Ogawa

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ツバキ文具店 – 小川系

Hatoko tient à Kamakura une petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère calligraphe. Elle y vend des fournitures scolaires aux collégiens du coin, et prend le relais en tant qu’écrivain public. Quels qu’ils soient, elle répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir tour à tour : Cartes de voeux, mot de condoléances, lettres d’adieu mais aussi d’amour. Le choix de la calligraphie, du papier, de l’encre, de l’enveloppe ou encore du timbre, mais surtout cette lutte intérieure pour accoucher de chaque mot. On suit dans les moindres détails le difficile processus qu’implique la rédaction d’une ‘simple’ lettre.

Je n’ai pas acheté ce livre pour sa couverture, mais pour son titre. En vitesse, à l’aéroport de Nagoya avant de prendre mon vol pour Munich via Helsinki – j’achète rarement des livres, si ce n’est au départ de longs trajets en train, en bus ou en avion. En fin de compte j’aurai plutôt profité des trajets aller-retour pour passer en revue quelques films ratés au cours de l’année passée, mais une fois de retour au Japon j’ai eu tout le loisir de déguster ce bouquin.

À la lecture de toute chose en rapport avec la papeterie ou les instruments d’écriture, le temps s’écoule avec une agréable lenteur là où pour toute autre activité il défile à toute vitesse. En lire une vingtaine de pages dans le train au retour du travail me plonge dans un univers parallèle dans lequel les gens sont au fait du plaisir que l’on peut avoir à écrire une lettre ou même un journal, en choisissant longuement ses mots, et savent les efforts que cela demande.

Le rytme est extrêmement lent, beaucoup d’importance étant attribuée aux détails ( mais combien de fois tout au long de ce livre Hatoko se sert elle son foutu thé ? ) On se reconnaîtra dans les longues escapages descriptives relatives a l’écriture, ou bien on sautera quelques pages sans ne rien rater si ce n’est le plus important, qui n’est pas non pas l’intrigue, mais l’état d’esprit du livre.

Vivre lentement, à son rythme, n’est pas une chance, mais un choix. Cela demande des efforts et des sacrifices. Éteins cet écran, file à la librairie, achète ce bouquin (chez Les Éditions Philippe Picquier, plutôt bien traduit d’ailleurs si j’en crois quelques extraits trouvés sur le net) du papier et un stylo, et apprécie ta nouvelle vie qui commence aujourd’hui.

livres

Vous (l)irez mieux demain.

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Le principal reproche que j’aurai à faire aux méthodes d’enseignement de l’INALCO, c’est qu’à aucun moment on ne nous pousse à mettre en pratique nos acquis, et je pense tout particulièrement à la lecture. Soit, on nous fait lire quelques articles de presse à partir de la deuxième année et d’inintéressants et pour le moins illisibles passages de ‘classiques’ de la littérature japonaise en licence, mais pratiquement rien concernant la littérature japonaise contemporaine. Bref, on ne nous donne absolument pas envie de lire de la littérature japonaise, et encore moins de la littérature japonaise en japonais.

C’est regretable parce qu’être capable de lire en japonais était mon principal objectif pendant mes études. Bien sûr je n’ai pas attendu de ‘finir’ mes études pour ouvrir un livre, mais j’aurai aimé être conseillé dans mes lectures par des personnes qui après tout sont censées s’y connaître, plutôt que d’être ici, d’un coup, confronté à une montagne de livres.

Du coup, je choisis mes lectures un peu au hasard en me baladant d’une librairie à l’autre, sans véritables critères de sélection. Il va sans dire que les titres que je ne sais même pas lire me rebutent. De même ceux annonçant en grand caractères blanc sur fond bleu ‘J’ai pleuré en lisant ce livre’, dixit quelque star du showbizz dont on est même pas sûr qu’elle sache lire. J’accroche principalement sur des couvertures, les meilleures ventes, les titres courts. Ma fascination pour l’impact visuel des idéogrammes fait que je me vois d’ailleurs souvent attiré par des titres composés d’un seul ou deux idéogrammes. Je lis parfois le résumé au dos du livre, parfois la première page. J’attire peu d’importance au nom de l’auteur, puisque que je n’en connais pratiquement aucun en dehors de quelques classiques, de Murakami et Ôgawa.

Pour résumer, disons que je subis totalement la machine marketing, et j’ai horreur de cela. En même temps, les quelques livres que j’ai lu était plutôt bons …

livres

La course au mouton sauvage

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Même si dans l’ensemble le livre m’a quelque peu déçu, ‘la course au mouton sauvage’ contient quelque passages forts rigolos. Il a bouffé du Devos, Murakami ?

Minou minou minou, dit le chauffeur au chat, en se gardant bien d’y porter la main. Comment s’appelle-t-il ?
– Il n’a pas de nom.
– Comment faites-vous alors pour l’appeler ?
– On ne l’appelle pas, dis-je. Il est là, c’est tout.
– Mais il ne reste pas tout le temps immobile. Il bouge sous l’effet d’une volonté. Ça ne vous semble pas bizarre qu’un être qui agit de par sa volonté n’ait pas de nom ?
– Les sardines aussi bougent selon leur volonté, et pourtant on ne leur donne pas de nom.
– Oui mais il n’y a aucun échange affectif entre une sardine et un être humain. D’ailleurs une sardine ne comprendrait pas son nom. Cela dit, rien ne vous empêche de lui en donner un.
– Si je vous comprends bien, pour qu’un animal puisse prétendre à un nom il faudrait qu’il se meuve de sa propre volonté, qu’il soit capable d’échanges affectifs et, qui plus est, qu’il soit doté du sens de l’ouïe. N’est-ce pas ?
– C’est cela, oui, dit le chauffeur qui opina à plusieurs reprises, l’air convaincu. Dites, ça vous dérangerait si je luis donnais un nom ?
– Absolument pas. Comment l’appelleriez-vous ?
– Que diriez-vous de ‘Sardine’ ? Puisqu’au fond vous l’avez traité comme une sardine jusqu’à présent.
– C’est pas mal, dis-je
– N’est-ce pas ? fit-il fièrement.
– Qu’en dis-tu ? demandais-je à ma girlfriend.
– Pas mal du tout, dit-elle. On croirait assister à la création du monde.
– Et la Sardine fut ! dis-je.
– Viens, Sardine, dit le chauffeur en prenant le chat dans ses bras.