Après avoir déposé Léo à 10h dans un quartier situé au sud-est du château de Nagoya, il me faut y retourner à 15h pour aller l’y récupérer. Le temps est gris et imprévisible mais je n’ai pas envie de perdre mon temps à faire l’aller-retour la maison et décide donc de faire une petite trentaine de minutes de marche jusqu’à l’université Nagoya Zokei Daigaku (NZU), découverte par hasard il y a quelques mois. Une fois sur place je fais une fois le tour du bâtiment et me décide cette fois à discrètement m’engouffrer dans la cour à l’intérieur. En réalité je me suis fait du tracas pour pas grand chose, une pancarte explique en effet que le rez-de-chaussée est accessible au public pendant l’été dans le cadre d’une opération intitulée ‘北区まちなか避暑地‘, durant laquelle le district de Kita-ku propose à ses résidents de fuir la chaleur en prenant refuge dans l’un des 21 campus universitaires, bibliothèques et autres centres commerciaux proches de chez eux.
J’ai pratiquement le bâtiment pour moi tout seul et monte et descend librement tout ce qu’il compte comme escaliers. Les formes simples me font penser à un stage de jeu vidéo. Les rayons de soleil passent à travers les ouvertures carrées dans le toit et frappent la façade, formant en dehors des escaliers les seules lignes qui ne soient pas horizontales ou verticales. Bientôt le ciel s’assombrit et il se met à pleuvoir. J’en profite pour prendre mon temps et m’asseoir, en hauteur, sur l’un des bancs mis à disposition. D’ici je domine la cour tout en restant inaperçu. J’écoute quelques temps la pluie qui tombe, puis à défaut d’avoir autre chose à faire, sors mon carnet pour prendre quelques notes. Comme ce fut le cas lors de ma visite à Atsuta-jingū la semaine précédente, je me dis qu’au lieu de me dépêcher et de courir à droite à gauche je devrais toujours inclure dans mes balades une pause d’une demi-heure pour me poser quelque part et noter sur le vif mon ressenti.
Fin juillet. Il fait atrocement chaud mais je refuse pour autant de rester enfermé. Je trouve ainsi refuge parmi les nombreuses vastes allées ombragées par d’immenses arbres qui me semblent millénaires, au sein du sanctuaire Atsuta-jingū (熱田神宮), situé au sud de Nagoya.
Le sanctuaire Atsuta Jingū (sanctuaire d’Atsuta), est l’un des centres de culte les plus importants du Japon avec ses près de 9 millions de visiteurs par an. Construit sous le règne de l’Empereur Keikō (73-130), ce qui en fait l’un des plus anciens lieux de culte du Japon, il est dédié à la déesse du soleil Amaterasu, la plus sacrée du panthéon shintō. Le sanctuaire aurait été construit pour accueillir notamment le Kusanagi no Tsurugi(草薙の剣), le ‘sabre faucheur d’herbe‘ qui aurait été offert par cette même déesse à ses descendants, la famille impériale du Japon. Le sabre est l’un des trois trésors sacrés du Japon, avec le miroir de bronze Yata-no-Kagami qui repose au sanctuaire d’Ise dans la préfecture de Mie, et le bijou Magatama, conservé quant à lui au Palais Impérial de Tokyo. Ces trois reliques ne sont visibles que par quelques privilégiés, l’empereur et quelques prêtres de très haut rang.
Je me dirige sans trop réfléchir, comme attiré peut-être, vers le sanctuaire principal où je suis me suis rendu une demi-douzaine de fois de par le passé. Nous sommes bien loin de la foule qui s’y rue autour du Nouvel An, à peu près la moitié des visiteurs me semblent être étrangers. Juste après m’être levé les mains au chōzuya, je suis fasciné par un gigantesque camphrier. Il porte autour du tronc, qui fait plus de 7 mètres de diamètre, une banderole de papier plié en forme d’éclair signifiant qu’il y demeure une divinité. Faisant plus de 20 mètres de haut, partiellement recouvert de mousse, avec ses branches se tortillant vers le ciel et ses jeunes pousses faisant irruption des ses propres racines, il a effectivement quelque chose de solennel. Si j’avais bien entendu remarqué cet arbre majestueux auparavant, je lui porte cette fois une attention toute particulière après avoir justement fini de lire le livre de l’écrivain à succès Keigo Higashino (東野 圭吾), クスノキの番人 (The Camphor Keeper), dans lequel un camphrier magique a le pouvoir d’emmagasiner les voeux de ceux qui viennent y prier afin d’être transmis d’une génération à l’autre au sein d’une même famille. L’intrigue a un peu du mal à se mettre en place, avec ses 483 pages le livre est un poil trop long, mais dans l’ensemble je l’ai trouvé agréable à lire et je dois avouer avoir été surpris par le dénouement. Comme le trio d’arbres géants à Osu dont j’ai déjà parlé plusieurs fois dans ces pages, les camphriers ont vraiment quelque chose d’enchanteur et de prodigieux.
C’est donc dans cet état d’esprit un peu mystique que j’atteins le sanctuaire principal. Après avoir effectué une prière je traine autour du comptoir où sont vendus les amulettes porte-bonheur o-mamori. Du fond de la cour un jeune prêtre de grande taille tout vêtu de blanc s’avance à grands pas vers l’un des guichets et s’y assoit, et bientôt une file d’attente d’une dizaine de personnes se forme. Il s’agit de la personne qui écrit les ‘go-shuin’, les sceaux donnés aux fidèles et aux visiteurs des sanctuaires shintoïstes ou dans les temples bouddhistes au Japon. Les sceaux sont souvent rassemblés dans des carnets en papier cartonné appelés shuin-chō qui sont vendus dans les sanctuaires et les temples. En réalité cela fait plusieurs années que je pensais m’en procurer un, j’attendais soit un coup de coeur, soit d’avoir l’occasion d’aller au Hikouki-jinja(飛行機神社), le sanctuaire dédié à l’aviation situé à Kyōto pour mettre la main sur le sublime carnet violet élaboré en collaboration avec la compagnie aérienne japonaise ANA. Celui d’Atsuta-jingū, de couleur vert sapin, avec sur la couverture un badge héraldique goshichi-kiri-mon (五七桐紋) et à l’arrière l’inscription Atsuta-Jingū en lettres dorées, est bien sobre, mais à quoi bon attendre ? Sans trop réfléchir je m’approprie mon premier shuin-chō et y fait inscrire mon premier go-shuin. Voilà encore une occasion supplémentaire de voyager a travers le pays …
Toujours sur mon petit nuage je reviens sur mes pas pour faire un tour à la nouvelle aire de repos Kusanagi Hiroba (くさなぎ広場), entièrement réaménagée puis ouverte au public en juillet 2021, et dont j’avais vu quelques photos dans le magazine d’architecture Shin-kenchiku du mois de mai. Je peine à me souvenir à quoi ressemblait l’endroit auparavant mais il me semble que l’entrée qui menait sur l’étang était discrète et que le petit restaurant où l’on pouvait déguster de délicieux plats de nouilles plates kishimen en surplombant l’étang n’avait lui non plus rien de particulier. Cette discrétion avait son charme, comme si connaître son existence donnait à lui seul l’impression d’être un initié, ce qui n’est pas rien étant donné la nature spirituelle du lieu. Economiquement parlant ce système n’est bien entendu pas viable, et les promoteurs ont vu grand pour cette rénovation. L’étang a été entièrement réaménagé, il y flotte un bateau en bois censé représenter la période prospère du quartier d’Atsuta, qui était autrefois l’un des 53 juku (stations) de la route Tōkaidō mais également un port. On y trouve également un musée consacre au sabre Kusanagi que je n’ai pas eu le temps de visiter, un magasin de souvenirs et surtout le fameux restaurant, avec une grande terrasse en plein air, à laquelle je m’assois pendant une bonne heure durant, écrivant quelques lignes dans mon carnet puis contemplant mon premier sceau go-shuin dans son nouveau carnet et réfléchissant déjà aux nombreuses promenades qui s’annoncent.
Parmi les nombreux projets dont j’ai parlé dans mes billets jusqu’à présent, celui qui me tient le plus à coeur et qui me vient en premier à l’esprit est celui qui consiste à parcourir le Tokai Nature Trail (東海自然歩道, Tōkai Shizen Hodō). Dans son intégralité ce tracé s’étale sur 1,697 kilomètres du Mont Takao (高尾山) à l’ouest de Tōkyō au Mont Minō (箕面山) au nord d’Osaka, mais cela fait deux ou trois ans que je parle, dans un premier temps, d’en couvrir le tronçon de 211 kilomètres qui passe par la préfecture d’Aichi. Au lieu de marcher sans véritable objectif ni plan de route je pense à l’avenir m’organiser davantage, me focaliser sur ce projet afin d’avoir la satisfaction de pouvoir dire ‘je l’ai fait !‘. Comme j’y faisais allusion dans mon précédent billet ce projet aura son propre site, sous une forme assez simpliste dans un premier temps afin de mettre en avant le fond avant la forme. Je pense relater mon avancement à travers des billets sur le blog puis réorganiser le tout sur le site en question, tout en continuant en parallèle à publier ce qui me passe par la tête comme je l’ai fait jusqu’à présent. Je ne sais pas trop encore dans quelle mesure cela influencera mon rythme de publication, cela dépendra de la fréquence de mes sorties et de la méticulosité avec laquelle je rédigerai ces ‘carnets de route’. Il s’agit surtout de me changer un peu les idées et d’avoir un objectif précis.
Le blog tourne au ralenti. La chaleur accablante et le travail croissant suite au retour des passagers me pompent toute mon énergie et mettent mon cerveau hors service. Je suis capable malgré la chaleur de me motiver pour aller courir de bon matin, marcher deux heures durant ou encore d’aller à la piscine mais impossible de réfléchir ou de rédiger quoique ce soit. A quoi je pense quand je cours pendant deux heures ? A rien, c’est justement là ce qu’il y a d’agréable. Pour ce qui est du blog, l’envie d’écrire est là mais la tête est vide. Ainsi, les jours passent, le blanc entre deux billets se prolonge et le nombre de visites, déjà bien maigre, s’effondre complètement. Au fil des billets je ne vois plus trop où je veux en venir et m’être rendre compte récemment que les visiteurs tombés sur ce blog via un mot-clé sur un moteur de recherche sont pratiquement inexistants me fait penser qu’il serait temps soit d’arrêter complètement, soit d’effectuer quelques changements radicaux afin de sortir d’une certaine routine.
‘C’est serait amusant de … ‘ ‘Cela pourrait être interessant de …’ J’ai au fil de mes billets suggéré un nombre important de projets dans des domaines variés mais ne les ai que rarement mis à l’oeuvre. Au lieu de parler de tout et n’importe quoi sans ligne éditoriale, je réfléchis ces derniers temps à réorganiser le site sous la forme d’un groupuscule de petits sites dans lesquels uns à uns je mène à bien mes projets. Les problèmes qui se posent sont les suivants : Un bon nombre de ces projets sont en rapports avec une activité physique ou l’étude d’un domaine en particulier. Je ne pense pas trimballer mon appareil partout avec moi (la qualité de la camera de mon smartphone est exécrable mais on ne me verra jamais de la vie débourser plus de trente mille yens pour un téléphone …), mais je ne vois pour l’instant pas comment rendre mes aventures et tracas lisibles et intéressantes sans photos. Je pressens également que je vais rencontrer quelques difficultés à alimenter à la fois le blog et les différents projets en même temps. Peut-être est-ce tout simplement l’occasion d’arrêter le blog afin de mieux me concentrer sur autre chose, ou bien est-il temps de remplacer ce blog par un feed Twitter ou Threads, en sachant pertinemment que je ne ferai pas long feu ?
En faisant quelques recherches afin de trouver des réponses sérieuses à mon problème, j’ai appris que ma ‘maladie’ s’appelle ‘la malédiction de Vinci‘. ‘L’embarras des gens qui ont trop […] d’intérêts : ils sont toujours en train d’apprendre, mais ils ne consacrent pas assez de temps et d’énergie dans une chose. Ces personnes maudites ( « Da Vinci cursed ») ont du mal à choisir parce que cela s’apparente à renoncer à plein d’opportunités. Ainsi, ils changent constamment de travail, de loisirs, ou même de domicile, et ils ne sont jamais pleinement engagés dans les nombreux domaines par lesquels ils sont attirés.‘ Par chance j’ai un emploi qui je pense, me convient. Il est éreintant certes, mais je m’y sens utile et épanoui. Je suis bien conscient que le malaise que je ressens par rapport à mes loisirs et centres d’intérêts trop nombreux est presque un luxe. Il m’est cependant difficile de laisser en plan cette activité à laquelle je m’adonne depuis plus de vingt ans maintenant. Même en ne me concentrant que sur un seul aspect de ces loisirs, qu’il s’agisse de musique, d’aviation, d’architecture, de littérature ou encore de tourisme etc, je pense qu’il naîtra en moi un profond besoin de partager mes découvertes avec quelqu’un. Que ce soit sous la forme d’un blog, d’un site ou des deux, l’aventure continuera sans doute et ceux qui voudront bien me suivre ou se joindre à moi seront toujours la bienvenue.
Je suis très rapidement déconcentré quoique je fasse à la maison, et cela vaut également pour la rédaction des billets de ce blog. Je m’assois à ma table haute, commence à rédiger quelque chose et au bout d’une demi-heure je suis déjà distrait. Le froid ou dernièrement la chaleur, mon regard qui se porte un instant sur un livre ou un magazine sur l’étagère, le voisinage qui bavarde longuement sur le pas de la porte ou encore une recherche ou la vérification d’une expression sur internet qui m’éloigne parfois bien loin de mon sujet … Tout prétexte est bon pour me faire passer à autre chose, c’en est parfois à un point où il m’arrive de me demander si au fond de moi j’aime vraiment ce que je suis en train de faire. Je fuis donc la plupart du temps la maison pour squatter ce que les environs comptent comme bibliothèques et cafés et ne m’explique pas le fait que je ne sois pas alors distrait par les gens autour de moi.
Mes pas me mènent à la librairie Tsutaya de Lalaport NAGOYA Minato AQULS, où il est permis de feuilleter livres et magazines en buvant son cafe. Alors que je traîne entre les rayons je crois entendre depuis tout à l’heure, à la suite, trois chansons du groupe サカナクション (Sakanaction). Si certaines chansons ont une certaine notoriété et passent parfois à la radio, certains des titres diffusés dans la librairie sont clairement des titres mineurs. Je remonte à la source sonore de ce remue-ménage et tombe sur une mini-exposition qui se tient dans la cadre de la sortie du livre du chanteur du groupe, Ichirō Yamaguchi (山口一郎).
J’avais bien sûr entendu parler du livre intitulé ことば – 僕自身の訓練のためのノート. Il s’agit d’une sélection, par thèmes, du journal personnel que Yamaguchi a rédigé entre les années 2001 et 2006. Yamaguchi a formé avec l’actuel guitariste du groupe, Motoharu Iwatera (岩寺基晴), le groupe de rock ダッチマン (Dutchman) en 1998. Je ne suis jamais parvenu à mettre les mains sur la musique interprétée à cette période, mais il est dit que les deux titres 三日月サンセット et 白波トップウォーター que l’on peut trouver sur le premier album de Sakanaction ‘Go to the future‘ (2007), ainsi que サンプル sur le deuxième album NIGHTFISHING (2008), étaient à l’époque déjà pratiquement achevés. En 2004 le groupe se sépare, Yamaguchi se retrouve seul puis est rejoint à nouveau par Iwatera l’année suivante. Le duo prend le nom Sakanaction malgré le manque d’enthousiasme d’Iwatera, et de fil en aiguille le groupe prend sa forme actuelle avec ses cinq membres.
Dans ses interviews et nombreuses discussions sur Youtube et Instagram Yamaguchi parle fréquemment de ces années comme étant difficiles du point émotionnel, et du fait qu’il écrivait à la fois pour remettre de l’ordre dans ses idées mais aussi comme un exutoire. Excité par le hasard de la découverte j’ai failli m’emparer du livre sans réfléchir, mais en y jetant un oeil je me suis rendu compte qu’il n’était pas fait pour moi. J’aime énormément la musique du groupe et apprécie beaucoup le personnage qu’est Yamaguchi mais ne pense pas être assez core fan pour vouloir m’immiscer à ce point dans son intimité, même si cela pourrait aider à comprendre encore davantage le contexte dans lequel ont pu être écrites et la manière dont ses expériences sont retranscrites dans les paroles ou même dans l’instrumentation des chansons. J’en lit quelques pages et comme je m’y attendais je n’y comprends pas grand chose. Les mots, les phrases sont cohérentes et stylistiquement soigné mais je ne parviens pas à les interpréter, à saisir leur signification, je ne vois que très vaguement où il veut en venir, sans explication du contexte c’est un peu comme si je lisais les mémoires d’un individu lambda. Une douche froide pour moi alors que justement je pensais mettre partiellement en ligne mes carnets.
Le week-end dernier j’ai participé au festival de musique FREEDOM NAGOYA 2023, qui se tenait au centre d’exposition Aichi Sky Expo, juste à côté de l’aéroport Centrair. J’attendais ce moment avec beaucoup d’impatience car je n’ai plus été à aucun concert depuis une éternité. L’évènement se tenait sur une unique journée, une cinquantaine de groupes de rock se succédant dans les 3 halls B, C et D et une scène en extérieur. The 2 étant le seul groupe que je connaissais dans la liste j’avais au préalable écouté quelques morceaux de différents groupes pour me faire un idée de ceux à ne pas rater mais il me fallait tout de même laisser une part au hasard et en profiter pour faire quelques découvertes sur-le-coup.
Je commence les hostilités avec le groupe de punk rock バックドロップシンデレラ (Backdrop Cinderella). Il n’est que 10:30 mais les quatre membres sont déchaînés et jouent avec une contagieuse vitalité, une énergie digne d’un dernier set de festival sur la scène principale. Les chansons au rythme rapide mêlent punk rock et ska, en transe je participe timidement à l’un ou l’autre pogo (danse, bousculade où tout le monde saute et se pousse les uns contre les autres), le chanteur se jette fréquemment dans la foule et quelques personnes se font porter en l’air à bout de bras par le public. L’ambiance est phénoménale quoique bon-enfant, j’avais complètement oublié à quel point les concerts pouvaient être jouissifs ! Déjà je suis en sueur et je me dis qu’à ce rythme là je ne vais jamais tenir la journée.
On annonce autour de 20.000 visiteurs sur la journée, je me dirige rapidement vers l’un des nombreux stands yatai et m’en sors avec une petite-demie heure d’attente. J’y suis revenu plus tard autour de midi, les files d’attente s’entremêlaient, elles étaient tellement longues qu’il était difficile de savoir où elle se terminaient. Je suis toujours effaré par la patience des gens, il ne me viendrait pas à l’idée de faire une heure de queue rien que pour me prendre en photo devant le panneau à l’effigie du festival … Sur la scène au dehors jouent des groupes de rock sélectionnés sur audition. Les chansons manquent d’originalité mais l’ambiance est bonne, il souffle une légère brise rafraîchissante, ma bière est divine !
14:00 Je me retrouve par un concours de circonstances au live de ヤバイTシャツ屋さん (Yabai T-Shirts Yasan) dans le hall B, le hall principal pour cet évènement. Il s’agit probablement du groupe le plus connu de la journée mais leur prestation me laisse de marbre. Peut-être est-ce dû à l’acoustique de la salle (un simple hangar en fait) ou alors je devais être mal placé, mais la voix nasillarde de la chanteuse carrément incompréhensible, la surabondance d’aigus, les fréquents changements de rythme m’ont complètement perdus, je suis sorti de la salle plus agacé et sonné qu’autre chose …
16:30 Après avoir pris l’air pour me remettre de mes émotions, retour au Hall B pour le set de Age Factory. J’avais noté ce trio pop-rock originaire de Nara lors de mes écoutes en vue du festival et je ne m’étais pas trompé. Comparé aux groupes précédents le jeu de scène et le son font très pro, les refrains sont accrocheurs et le public chante en choeur. S’il y avait un peu moins de spontanéité que lors du set de Backdrop Cinderella, celui d’Age Factory était de très bonne facture musicalement parlant. A vrai dire le concert était tellement bon que quand j’ai par la suite écouté par la suite quelques titres du groupe ceux-ci m’ont semblé bien fades en comparaison !
17:30 The 2, au Hall C. Presque un concert intimiste comparé aux acts précédents. J’ai découvert ce groupe l’année dernière grâce à Ichiro Yamaguchi, le leader du groupe Sakanaction, dont il est le producteur sur leur deux derniers titres 恋のジャーナル (Koi no Journal) et ミスサンシャイン (Miss Sunshine), et j’avais bien accroché à leur live en streaming sur Youtube, au Ginza Sony Park. Parmi la liste de groupes en lice aujourd’hui Il s’agit du groupe dont je connais le mieux les chansons, je suis pris d’un ravissement certain quand je suis en mesure de reconnaître l’une ou l’autre chanson et de chanter en choeur sur leur titre ケプラー (Kepler). En raison de problèmes de santé le guitariste Ryōta Katō est absent, le leader du groupe Yutarō Furutachi se démène donc sur scène, jouant les parties solos de Katō retenues juste avant le concert. Les morceaux en sonnent un peu différents des albums, ce n’est peut-être pas plus mal ! En tout cas nous passons un excellent moment.
D’autres groupes se produisent encore sur les différentes scènes mais je suis exténué. Peut-être faudra-t-il venir en début d’après-midi la prochaine fois pour être en mesure de tenir le coup jusqu’au soir. Je me dis également qu’à l’occasion il faudra faire un tour aux live house à Nagoya, il y a un véritable vivier de groupes méconnus qui jouent avec leurs tripes. La scène musicale japonaise à encore de beaux jours devant soi !
J’ai une petite heure de trou dans mon emploi du temps, j’en profite pour me balader au parc Kenkō no Mori (あいち健康の森公園), dans la ville d’Ōbu (大府). Je ne pense pas en avoir parlé sur ce blog, mais je me suis mis à jouer à Pokémon GO en août 2021. Jeune je regardais distraitement l’un ou l’autre épisode de l’animé quand j’étais au lycée, en 1997 il me semble. Les épisodes étaient d’abord diffusés sur la chaine allemande RTL II et j’ai plus d’affinités avec la version allemande que la version française, au point de me souvenir encore plus ou moins par coeur du générique en allemand même plus de vingt plus tard. Dans ce sens je trouve presque cela dommage que dernièrement les génériques de début et de fin changent régulièrement. Je n’avais jusqu’alors jamais joué à aucun jeu de la série et mes connaissances à propos des noms ou des types de Pokémon étaient limitées, mais Louis s’est mis à m’en parler sans cesse, me harcelant de questions, préparant même sur papier des quizz auxquels j’étais incapable de répondre. Je me fais peut-être des idées mais je me suis demandé si ce n’était pas sa manière de prendre sa revanche par rapport aux interminables discussions que j’avais avec Léo à propos de l’aviation quand il avait le même âge. C’est pourquoi il m’a semblé nécessaire de faire un petit effort pour comprendre ce que Louis avait à me dire et être en mesure de partager sa passion, et Pokémon GO m’a paru être un bon moyen de joindre l’utile à l’agréable.
J’arpente ainsi les parcs et les rues partout où je vais, marchant parfois une heure durant là où en temps normal j’aurais pris place dans un café, puis quand je trouve de l’inspiration je range le smartphone pour dégainer mon appareil photo. Je fais régulièrement rapport de mes découvertes à Louis, qui me fait part de ses conseils et commentaires. Chaque vendredi nous regardons ensemble le nouvel épisode de l’animé et quand nous en avons le temps, nous traînons ensemble à la recherche de quelques spécimens rares.
Nous ferons dans la journée l’aller-retour vers Kaida Kōgen (開田高原), le Plateau de Kaida, au pied du Mont Ontake (御嶽山), préfecture de Nagano. Il faut un peu moins de trois heures de route en prenant l’autoroute jusqu’à Nakatsugawa puis longeant la route nationale 19 qui relie Nagoya à Nagano. Nous étions venus il y a trois ans dans les environs en hiver pour faire du ski à Kiso-Fukushima (木曽福島), mais en dehors des sports d’hiver la fois précédente semble remonter à juillet 2017.
Comme la fois précédente, le programme de la journée nous amène, après avoir dégusté de délicieux soba, à visiter Kiso-uma no sato (木曽馬の里), un centre destiné à l’élevage et à la conservation de la race de cheval Kiso, qui est en danger critique d’extinction. Autour d’une trentaine de chevaux gambadent plus ou moins librement dans un espace de 50 hectares. Les visiteurs sont autorisés à leur donner de l’herbe, abondante alentours, et l’on peut également monter à cheval le long d’un court tracé. Prendre en photo l’enclos avec les chevaux et le Mont Ontake encore enneigé, le sommet malheureusement une fois de plus dans les nuages, me donne un instant l’impression de ne plus être au Japon mais dans quelque montagne du Colorado. En dehors des hennissements irréguliers des chevaux et des rires des enfants, l’endroit est calme, la température, de cinq ou six degrés inférieure à celle de la ville, est tellement agréable que j’en suis assoupi. Si le temps nous le permettait, je piquerai bien un somme allongé dans l’herbe en prétextant que je refuse de conduire au retour si l’on ne m’y autorise pas …
”「がんばってみるよ」 優勝できなかったスポーツマンみたいにちっちゃな根性身につけたい。” – Je vais faire de mon mieux ! Que j’aimerai avoir le tempérament d’un athlète, toujours fort même après la défaite.
‘Mes‘ plantes en pot n’ont, si j’ose dire, pas l’air dans leur assiette. Affaissées, comme brûlées par le soleil, elles semblent attendre un peu d’attention et des jours meilleurs. Le propriétaire doit être trop affairé pour s’en occuper ou avoir la flemme, sinon les deux. Ce n’est pas la grande forme de mon côté non plus, les idées et les mots ne me viennent pas, ou disons que je n’arrive pas à trouver le fil conducteur dans mes pensées et mes photos. Alors je tourne au ralenti et j’attends que cela se passe, ce blog m’a au fil des années appris que tout n’est qu’une histoire de cycles.
Les paroles ci-dessus sont tirées (et traduites à ma sauce) de la chanson カルアミルク(Kahlua Milk, du nom du cocktail) du groupe クラムボン(Clammbon) sur son album de reprises de chansons populaires, LOVER ALBUM (2006). Le titre original, interprété par Yasuyuki Okamura (岡村靖幸), date de 1990. On n’entend aujourd’hui plus cette façon particulière de chanter et si la texture sonore sommaire voire minimaliste devait sans doute avoir quelque chose d’avant-gardiste pour l’époque, la chanson a aujourd’hui un petit air rétro qui n’est pas désagréable même si je lui préfère largement la version de Clammbon. En faisant quelques recherches je tombe sur une reprise par DAOKO. Elle y reprend en quelque sorte la manière de chanter de Okamura, mais je n’en aime pas l’orchestration, trop sophistiquée avec ses touches de violon et le piano trop présent. Les paroles de cette chanson sont à la fois simples mais très imagées, au point que je me demande aujourd’hui si ce morceau ne m’avait pas particulièrement marqué tout simplement parce que j’en comprenais pour une fois le sens des paroles. La version de Clammbon me semble en ce sens beaucoup plus agréable à écouter.
En poursuivant mes recherches j’apprends que DAOKO et Yasuyuki Nakamura ont collaboré sur un titre intitulé ステップアップLOVE (2017), une chanson très catchy et qui je pense se revendique tant que tel en commençant d’emblée avec le refrain. A l’écoute de celui-ci je me suis souvenu avoir entendu la voix d’Okamura quelque part, après avoir creusé quelques temps dans les tiroirs de ma mémoire musicale, je me suis souvenu qu’il s’agissait de la chanson ラブメッセージ, thème principal de l’incroyable navet qu’est le film みんな!エスパーだよ, The Virgin Psychics en anglais (2015), une adaptation du manga et du dorama du même nom.
Je trébuche ensuite sur la surprenante collaboration entre Okamura et l’un des Dj et producteur japonais les plus célèbres Takkyu Ishino 石野卓球, la moitié du groupe Denki Groove, sur l’album sobrement appelé ‘The Album‘ (2003), sur lequel Okamura pose sa voix sur des productions d’Ishino. Pour être franc l’album est moins pire que ce que à quoi je m’attendais, uniquement les titres ‘New Wave Boy‘, ‘Adventure (e-pop mix)‘ et à la limite ‘come baby (Yasuyuki Okamura remix)‘ ont retenu mon attention, la voix grave, les cris et autres vociférations d’Okamura parfois robotisées ou déformées collant assez bien à la musique. Le reste est trop farfelu et incohérent, il me semble d’ailleurs que sur l’ensemble de sa carrière Okamura est un personnage qui ne se prend pas au sérieux comme en témoignent les clips présentés ci-dessus.
Finalement, de fil en aiguille ce billet m’aura amené plus loin que je ne l’aurai pensé et aura même été l’occasion de faire quelques découvertes !
Balade autour de la gare de Nagoya. Dans un premier temps j’avais l’intention de faire la tournée des papeteries pour voir si le nouveau modèle édition limitée du stylo LAMY Safari Spring Green était en vente, mais il faudra apparemment encore patienter un peu. J’en profite d’être dans le coin pour jeter un oeil sur ce qu’est devenu le Meitetsu Lejac qui, comme j’en parlais ici, a fermé définitivement fin mars. Portes et fenêtres ont été scellées, le gigantesque panneau publicitaire au sommet retiré, on peut juste encore apercevoir l’une des deux mascottes du magasin, Kujakku (クジャック) représentant un paon, faisant le guignol sur l’une ou l’autre affiche.
Puisqu’on est dans la (dé)construction, je me souviens soudainement que je m’étais promis d’aller voir où en était le chantier de la future gare de Nagoya. Comme toutes les grandes gares dans le monde semble-t-il, alors que devant celle-ci beaux bâtiments et boutiques de luxe et se côtoient (ou s’entassent, plutôt), le quartier derrière la gare est très populaire, je ne dirai pas mal fréquenté, mais la clientèle n’est pas la même et il n’y a photographiquement parlant pas grand chose à y capturer et je n’y mets pratiquement jamais les pieds. Lorsque je me balade derrière la gare je regrette un peu d’avoir boudé l’endroit car le chantier semble avoir déjà bien avancé sans que je parvienne à me remémorer ce qu’il y avait à sa place auparavant ! La future gare étant perpendiculaire à la gare actuelle de grandes portions de terrains ont dû être complètement rasées, d’immenses machines forent, soulèvent et broient en faisant un bruit d’enfer. Je trouve sans grosses difficultés le Tsubaki-shinmei-sha 椿神明社, un discret petit sanctuaire dont l’autel principal a dû être déplacé parce qu’il se trouvait dans le périmètre du chantier. J’y passe quelques minutes mais le vacarme des machines alentours et la crainte de me faire écraser par l’une des poutres qui voltigent tout près dans le ciel me fait vite quitter les lieux.